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MACH3 : une pâte de ciment qui piège le tritium

Soutenu par l’Andra dans le cadre de son appel à projets innovants sur la gestion des déchets de démantèlement (voir encadré), le projet MACH3 vise à développer un mortier capable de limiter le dégazage du tritium, un élément radioactif très mobile qui sera notamment utilisé et généré par le futur réacteur expérimental de fusion ITER et qui fait l’objet d’importantes restrictions d’acceptation dans les centres de stockage de déchets radioactifs.

Construction de l'installation ITER à Cadarache.

Actuellement en construction sur le site de Cadarache dans les Bouches-du-Rhône, le réacteur expérimental ITER a pour objectif de démontrer que la fusion – l'énergie du Soleil et des étoiles – peut être utilisée comme source d'énergie à grande échelle et sans émettre de CO2 afin de produire de l'électricité. Une fois en fonctionnement à l’horizon 2035, l’installation utilisera du deutérium et du tritium comme combustibles et générera, entre autres, des déchets métalliques tritiés.

La gestion des déchets contenant du tritium est un véritable enjeu au regard de la nature de cet élément : isotope radioactif de l’hydrogène, à la fois sous forme gazeuse et sous forme liquide, le tritium est très mobile dans l’environnement et difficile à confiner. Il est par contre de faible radiotoxicité et de faible durée de vie (période radioactive de 12,3 ans). Pour garantir un stockage sûr vis-à-vis du tritium, l’Andra impose donc aux producteurs de déchets une forte limitation de cet élément dans les colis qu’elle prend en charge. « Le tritium contenu dans les déchets métalliques va être en partie relâché sous forme liquide et gazeuse, explique Pierre Henocq, qui accompagne le projet au sein de la direction de la recherche et développement de l’Andra. Du fait de la forte mobilité du tritium, il y a un critère d’acceptation des colis vis-à-vis du dégazage du tritium. » Limiter les émissions de tritium est donc un impératif pour que ces déchets puissent être stockés par l’Andra au Centre de stockage de l’Aube.

 

Un piège chimique

Essais de conditionnement d’éléments métalliques au sein de mortiers incorporant le piégeur de tritium (1).

Comment limiter ce dégazage de tritium ? Les partenaires du projet innovant MACH3(*) étudient la possibilité d’intégrer une poudre bien spécifique dans le mortier(**) coulé dans les conteneurs de stockage pour stabiliser les déchets en comblant tous les vides entre les éléments métalliques ; une poudre qui fonctionnera comme un piège chimique, capable de capter le tritium gazeux et de le fixer sous forme solide. « Le piégeur est un mélange d’oxyde d’argent et d’oxyde de manganèse. Il a été développé dans les années quatre-vingt et a été testé pour piéger l’hydrogène, détaille David Lambertin du CEA à Marcoule, coordinateur du projet. Ce qui est nouveau, c’est de l’appliquer au tritium et de l’incorporer directement dans le mortier. »

 

De nombreux tests

Commencé en 2017 pour quatre ans, le projet s’est déroulé par étapes. Dans un premier temps, les travaux ont porté sur le piégeur lui-même en optimisant les proportions entre les deux oxydes, et sur la meilleure façon de l’intégrer au mortier, afin d’obtenir un mélange le plus homogène possible.

Essais de conditionnement d’éléments métalliques au sein de mortiers incorporant le piégeur de tritium (2).

Dans un deuxième temps, diverses formulations de mortier ont été étudiées, afin de sélectionner celles qui sont les mieux adaptées au piégeur. « Notre enjeu est d’avoir un mortier aux bonnes propriétés mécaniques, mais suffisamment poreux pour permettre au tritium de migrer et d’avoir accès au piégeur », complète Pierre Henocq. Diverses formules ont été testées en jouant sur la nature des composants (le type de ciment, l’eau, le sable, les adjuvants…) et leur proportion. « Nous avons ensuite placé nos différentes formulations dans un irradiateur à rayons gamma du CEA de Marcoule, ce qui a généré un dégagement d’hydrogène à l’intérieur du mortier. Les formules qui incluent le piégeur limitent effectivement le dégazage », se félicite David Lambertin.

Les tests, menés sur de petits échantillons, se déroulent sur plus d’un an, afin de vérifier le comportement des mortiers dans le temps. Ils permettront de mesurer le dégazage en tritium sous forme gazeux en présence de vapeur d’eau. La dernière étape du projet commencée au printemps 2020, se passe au CEA de Cadarache, afin d’effectuer des tests de dégazage du tritium directement sur des échantillons contenant du tritium. « Il y a encore beaucoup de données à approfondir avant d’aboutir à une solution opérationnelle, indique Pierre Henocq. Il faut notamment vérifier que la fixation du tritium est bien irréversible, ainsi que sa sensibilité à la saturation en eau du mortier. »

 

(*) Les partenaires du projet MACH3, alias Matrices Cimentaires pour le piégeage du tritium (3H) : le CEA de Marcoule (coordinateur du projet), le CEA de Cadarache, l’École centrale de Lille, l’unité de catalyse et chimie du solide de l’université de Lille.

(**) Le mortier est un mélange de ciment, de sable et d’eau.

Principe du projet MACH³

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29 projets innovants pour la gestion des déchets de démantèlement

L’appel à projets lancé par l’Andra et l’ANR dans le cadre du programme Investissements d’avenir a pour but de faire émerger des solutions innovantes pour optimiser, en amont du stockage, la gestion des déchets radioactifs issus du démantèlement des installations nucléaires. 29 projets sont soutenus dans ce cadre. Ils portent sur quatre thématiques : la caractérisation des déchets, leur tri et traitement, les nouveaux matériaux de conditionnement, et enfin un volet sciences sociales sur l’innovation et la société.

En savoir plus : La fiche projet de MACH3