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Une aventure scientifique, technologique et humaine

Depuis 2000, le Laboratoire souterrain de l’Andra en Meuse/Haute-Marne ne cesse d’étendre son réseau de galeries à 490 mètres sous terre. Objectif : préparer Cigéo, le projet de stockage géologique profond des déchets français les plus radioactifs et à vie longue.

Aux origines du Laboratoire

Dès 1991, l’Andra démarre ses recherches sur le stockage géologique profond, envisagé pour gérer durablement les déchets radioactifs de haute activité (HA) et de moyenne activité à vie longue (MA-VL). Ces déchets étant très dangereux et pour très longtemps, le principe est de les stocker au coeur d’une roche (ici, la formation argileuse du Callovo-Oxfordien) qui forme une barrière naturelle pendant des centaines de milliers d’années minimum : elle confine les éléments radioactifs et limite énormément leur déplacement. Pour étudier la roche argileuse in situ, en vue d’un stockage à l’échelle industrielle, le Laboratoire souterrain est officiellement créé, en 1999, sur la commune de Bure, à la limite de la Meuse et de la Haute- Marne. Il n’accueillera jamais de déchets radioactifs : c’est un outil d’études et de recherche conçu pour analyser la roche, la manière dont elle réagit avec le stockage et définir quels types d’infrastructures souterraines sont les mieux adaptés pour stocker les déchets. En 2000, les travaux commencent par le creusement des deux puits d’accès. En 2004, les ouvriers atteignent la couche d’argile et construisent à – 445 m dans la partie supérieure de la couche, une première galerie de 40 m. Et quelques mois plus tard, les deux puits atteignent 490 m de profondeur, niveau principal du Laboratoire, qui correspond au milieu de l’épaisseur de la couche d’argile à cet endroit, où un réseau de galeries s’est développé depuis pour atteindre 2 km à ce jour.

Faire une visite virtuelle du Laboratoire souterrain de l'Andra L'argile, une barrière naturelle

Au cœur de l’argile

Les premières expérimentations portent avant tout sur la caractérisation de la roche. Alors qu’elle était jusque-là analysée uniquement en surface sur des échantillons prélevés lors de forages, les scientifiques peuvent désormais l’étudier « in situ » et sur de grandes surfaces. En 2005, un dossier détaillé permet de conclure à la faisabilité d’un stockage géologique profond dans cette couche d’argile, confirmée par les évaluateurs. En 2006, le Parlement charge alors l’Andra de concevoir un centre de stockage géologique à proximité du Laboratoire souterrain : c’est la naissance du projet qui sera nommé « Cigéo ».
 

Un véritable site industriel

Outil de recherche unique en son genre, le Laboratoire est une installation souterraine, comme il n’y en a quasiment plus en France en raison de la fermeture des mines. Le Laboratoire dispose de son propre poste de secours ainsi que d’un poste de commande centralisé, comme ce sera le cas dans Cigéo s’il est autorisé. C’est de là que sont opérées les installations de chauffage, de climatisation, d’éclairage, de détection de gaz, d’incendie… Aujourd’hui, les galeries souterraines accueillent jusqu’à 70 personnes simultanément, le Laboratoire fonctionnant en 3x8 du lundi au samedi matin.

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Une couche argileuse de 160 millions d’années (le Callovo-Oxfordien)

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Une épaisseur moyenne de 140 m

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Située entre 420 m et 560 m de profondeur.

Imaginer Cigéo

Depuis, les études se sont poursuivies et permettent aujourd’hui d’avoir jusqu’à vingt ans de recul sur certaines mesures, effectuées dans les différentes conditions qui seraient rencontrées dans Cigéo (température, humidité, taux d’oxygène, etc.). Elles ont également permis de comprendre les interactions entre la roche et les matériaux du stockage tels que les aciers et les bétons utilisés dans la fabrication des colis de déchets, des galeries et des alvéoles de stockage, ainsi que le verre, qui est utilisé pour le conditionnement des déchets de haute activité.

« Les expérimentations menées au Laboratoire se sont aussi concentrées sur la meilleure façon de concevoir un stockage géologique, opérationnel pour la centaine d’années d’exploitation, et sûr dès sa construction et après sa fermeture », indique David Mazoyer, directeur du Centre de l’Andra en Meuse/Haute-Marne. Comment soutenir les galeries ? Quelle technique pour creuser les alvéoles HA et MA-VL ? Quels dispositifs de surveillance et de monitoring ? Quels remblais et scellements pour fermer les galeries à la fin de la période d’exploitation ? Chaque nouvel essai scientifique et/ou technologique est instrumenté afin que tout soit mesuré, ce qui allonge la durée des travaux, mais la préoccupation première n’est pas la vitesse de creusement. Différentes méthodes de creusement et types de revêtement des galeries ont été et continuent d’être testées, afin de définir, à terme, la meilleure configuration pour Cigéo. Si le premier démonstrateur d’alvéole HA (microtunnel de 60 cm de diamètre) ne faisait que 10 m de long, ceux d’aujourd’hui dépassent les 100 m !

La sûreté , priorité numéro 1

Préparer la demande d’autorisation de création

Au fil des années, le Laboratoire joue de plus en plus son double rôle : approfondir les connaissances scientifiques sur le stockage géologique profond, mais également préparer, à une échelle industrielle, l’installation souterraine de Cigéo, dont le dossier de demande d’autorisation de création est en cours de préparation. « Désormais, les équipements testés et les prototypes réalisés dans le Laboratoire se rapprochent de plus en plus de la réalité industrielle de Cigéo », conclut David Mazoyer.

Une infrastructure évolutive

Au fil des années, de nouveaux équipements techniques et scientifiques ont été implantés à côté du Laboratoire souterrain. L’Espace technologique à Saudron présente les travaux menés à l’Andra et les enjeux de la gestion des déchets radioactifs à travers une exposition des robots et prototypes. En 2012, l’Écothèque, composante de l’Observatoire pérenne de l’environnement (OPE), sort de terre. Elle permet de conserver à très basse température, dans des cuves cryogéniques, par surgélation ou à sec, différents échantillons de l’environnement recueillis sur le territoire.

L'interview de Sarah Dewonck,

Directrice du département Laboratoire souterrain et directrice adjointe du Centre de l’Andra en Meuse/Haute-Marne

« Confronter les approches complémentaires pour consolider notre connaissance »

Le Laboratoire souterrain imaginé à la fin des années 1990 n’a pas grand-chose à voir avec le Laboratoire d’aujourd’hui, pourquoi ?

Sarah Dewonck : Effectivement, les plans et les plannings initiaux du Laboratoire souterrain ont évolué au fil du temps. Nous avions par exemple imaginé une galerie montante et une descendante, qui n’ont jamais vu le jour. À l’inverse, nous n’avions pas envisagé de creuser des galeries de 10 m de diamètre et de mettre en oeuvre un tunnelier. Pourquoi ? Parce que le projet Cigéo s’est affiné au fil des années et qu’on connaît avec plus de précisions aujourd’hui les dimensions des ouvrages. L’étude de l’industrialisation de Cigéo nous demande de réaliser des démonstrations dont les résultats amènent des optimisations et entraînent de nouvelles expérimentations. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) sollicite également des essais complémentaires.

Toutes ces expérimentations n’auraient-elles pu être menées dans un laboratoire « classique » ?

S. D. : Le Laboratoire souterrain s’inscrit dans un ensemble complet de travaux de recherche et développement, qui associe études d’échantillons de taille centimétrique, expérimentations in situ, études d’analogues naturels et modélisation numérique. C’est la complémentarité de ces différentes approches qui permet de valider et consolider la connaissance. Si on prend l’exemple de l’eau porale (eau présente dans la roche), les expérimentations in situ dans le Laboratoire souterrain ont permis d’affiner les modèles numériques.

Y a-t-il eu beaucoup d’innovations au Laboratoire ?

S. D. : Le Laboratoire souterrain est une véritable machine à innovations. Ici, science et techniques avancent ensemble pour concevoir un centre de stockage qui n’existe encore nulle part ailleurs. Les enjeux sont donc nombreux et nous conduisent à être innovants, tant dans l’utilisation des matériaux que dans les modalités d’expérimentation, de tests et de monitoring.

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