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COCONUT : un revêtement anticorrosion pour les conteneurs de stockage des déchets de haute activité

Soutenu par l’Andra dans le cadre de son appel à projets innovants (voir encadré), le projet COCONUT développe un concept alternatif de conteneur de stockage de déchets de haute activité résistant à la corrosion sur des temps très longs. Pour y parvenir, deux innovations sont testées depuis trois ans : la technologie de projection dynamique à froid (cold spray) et l’utilisation d’un alliage de matériaux.

Schéma de principe d’un colis de stockage

À l’Andra, la recherche sur les revêtements anticorrosion fait l’objet d’une attention particulière, notamment pour les conteneurs des colis de déchets radioactifs de haute activité (HA). Issus du retraitement des combustibles usés des centrales nucléaires, ces déchets sont incorporés à une pâte de verre en fusion et coulés dans des conteneurs en inox. Ils sont aujourd’hui entreposés sur leurs sites de production (Orano La Hague et le CEA Marcoule) ; un mode de gestion provisoire, dans l’attente de leur stockage dans Cigéo, le projet de centre de stockage géologique des déchets HA et MA-VL (haute activité et moyenne activité à vie longue). Si celui-ci est autorisé, les colis de déchets HA seront conditionnés dans des conteneurs de stockage en acier puis stockés définitivement à 500 mètres de profondeur, dans des alvéoles de stockage construites au sein d’une couche géologique argileuse permettant de confiner la radioactivité à très long terme.

Dans les conditions du stockage géologique, l’acier des conteneurs de stockage se corrodera avec néanmoins des vitesses lentes permettant de garantir une durée d’étanchéité des conteneurs sur plusieurs centaines d’années, a minima, conformément à leur fonction. Toutefois, afin d’accroître leur résistance à la corrosion aussi longtemps que possible, l’Andra étudie des options et technologies nouvelles pour apporter une protection supplémentaire à la surface des conteneurs de stockage.

 

De la poudre et du froid

Essai de revêtement sur l'acier

Soutenu par l’Andra depuis 2017, le projet COCONUT prend justement en considération les conditions particulières liées à l’environnement géologique, aux conditions et aux échelles de temps du stockage. « Nous avons éliminé beaucoup de technologies qui n’étaient pas compatibles pour des questions de température et de mise en œuvre par exemple, raconte Nathalie Texier Mandoki, ingénieure Nouveaux matériaux à l’Andra. Les équipes de COCONUT ont proposé de s’appuyer sur le procédé de « cold spray », particulièrement intéressant pour nous. »

Mené en partenariat avec les laboratoires de l’École nationale d’ingénieurs (ENISE) et de l’École des Mines de Saint-Étienne, le projet COCONUT vise en effet à tester le procédé très récent de projection dynamique à froid ou cold spray pour déposer un revêtement anticorrosion sur des conteneurs en acier. « Avec cette technologie, on peut créer une couche de matériau solide et dense à partir d’une poudre et sans fusion », explique Alexey Sova, coordinateur du projet COCONUT et chercheur au sein de l’ENISE. Réduit sous forme de particules, le matériau anticorrosif est ensuite projeté à vitesse supersonique (700 à 800 m/s) par un gaz sous pression sur la pièce à revêtir. « Cette projection particule par particule permet ainsi d’obtenir un revêtement de plusieurs millimètres et de lutter contre l’oxydation », poursuit Alexey Sova.

Application du procédé sur une maquette de conteneur

Néanmoins, à elle seule la technologie cold spray était « insuffisante ». « En utilisant du cuivre comme matériau anticorrosion, des chercheurs canadiens avaient constaté que son adhérence à l’acier n’était pas optimale. Ils avaient alors choisi de remplacer l’azote, gaz utilisé dans le procédé cold spray, par de l’hélium. L’hélium, en effet, permet de multiplier par deux la vitesse de projection et, arrivant plus vite sur la surface, les particules s’y fixent mieux », explicite le coordinateur de COCONUT.

Mais le recours à l’hélium est très coûteux et ne saurait être facilement industrialisable. Les chercheurs du projet ont donc privilégié l’azote tout en faisant appel à une seconde innovation pour accroître l’adhérence de leur poudre de cuivre à l’acier. Ils ont « choisi d’ajouter une petite quantité de particules de carbure de silicium, un matériau céramique neutre qui ne réagit pas chimiquement. Un peu sableux, il va nettoyer la surface d’acier et permettre au cuivre d’adhérer fortement. On obtient alors un dépôt de même qualité que s’il avait été projeté par de l’hélium, mais le coût reste très raisonnable et permet d’envisager un développement industriel. »

 

Des résultats très prometteurs

Après des tests à petite échelle, les chercheurs engagés dans le projet COCONUT finalisent aujourd’hui leurs expérimentations sur l’équivalent d’un conteneur à l’échelle ½. Après nombre d’essais, de calculs et d’estimations, ils ont ainsi validé la fiabilité du cold spray ainsi que les propriétés anticorrosives de leur revêtement basé sur un alliage cuivre-céramique. « Cela signifie que nous possédons toutes les données technologiques permettant son industrialisation », se réjouit Alexey Sova.

Pour l’Andra, ce projet est très prometteur pour l’avenir. « Il nous a permis d’avancer sur la technologie avec un matériau assez simple. Nous ne retiendrons pas le cuivre dans la composition du matériau anticorrosion car il pourrait constituer une ressource, ce qui est contraire au guide de sûreté de l’ASN sur le stockage géologique profond, et nous pouvons utiliser d’autres métaux avec des propriétés tout aussi intéressantes, souligne Nathalie Texier Mandoki. Nous allons pouvoir utiliser les résultats pour développer un procédé similaire avec des alliages un peu plus complexes à base de zinc-alu. De nombreuses autres étapes restent à franchir, comme le dépôt sur un conteneur de stockage chaud et in fine la nucléarisation, si le procédé était retenu. »

Des perspectives qui intéressent au-delà de la France puisque d’autres acteurs de la gestion des déchets radioactifs dans le monde devraient bénéficier de ces recherches.

 

 

29 projets innovants pour la gestion des déchets radioactifs

L’appel à projets lancé par l’Andra et l’ANR dans le cadre du programme Investissements d’avenir a pour but de faire émerger des solutions innovantes pour optimiser, en amont du stockage, la gestion des déchets radioactifs, en particulier ceux issus du démantèlement des installations nucléaires. 29 projets sont soutenus dans ce cadre. Ils portent sur quatre thématiques : la caractérisation des déchets, leur tri et traitement, les nouveaux matériaux de conditionnement, et enfin un volet sciences sociales sur l’innovation et la société.