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Combien coûte la gestion des déchets radioactifs ?

Le 31 janvier dernier, la Cour des comptes a publié son rapport intitulé “Les coûts de la filière électronucléaire”. Il rassemble toutes les données disponibles sur le sujet et constitue une source d’information remarquable. Un chapitre est consacré à la gestion à long terme des déchets radioactifs. Explications.

Michèle Pappalardo, rapporteure général à la Cour des comptes.

En mai 2011, le Gouvernement a commandé une expertise complète sur l’ensemble des coûts de la filière électronucléaire. « En 2005, nous avions rendu un premier rapport sur les charges liées au démantèlement des installations nucléaires et la gestion des déchets radioactifs. Plus exhaustif, ce deuxième audit a consisté à identifier et à chiffrer tous les éléments de coûts de la filière nucléaire, qu’ils soient passés (construction du parc actuel), actuels (charges d’exploitation) ou à venir (démantèlement des centrales, gestion des combustibles usés et des déchets), explique Michèle Pappalardo, rapporteure générale du rapport à la Cour des comptes. L’idée est de constituer une base de données argumentée sur laquelle l’ensemble des parties prenantes pourront s’appuyer pour éclairer le débat public sur ce sujet. Pour mener à bien cette mission, des auditions préalables ont été organisées avec chacun des acteurs de la filière mais aussi des ONG et des syndicats afin de préciser leur questionnement, et un comité d’experts constitué d’une douzaine de spécialistes de l’énergie et d’économistes, de toutes sensibilités, nous a accompagnés pendant ces huit mois de travail. »

 

Gaëlle Saquet, secrétaire générale de l’Andra.

28,4 milliards pour la gestion des déchets radioactifs déjà produits 

Le chapitre consacré à la gestion globale des déchets radioactifs fait état d’un montant de 28,4 milliards d’euros. Il inclut tout ce qui concerne la gestion des déchets issus de la production élec-tronucléaire (la recherche & développement, le transport, le conditionnement, l’entreposage provisoire et, enfin, le stockage définitif), et englobe tous les types de déchets déjà produits aujourd’hui : les déchets de très faible, faible, moyenne et haute activité, à vie courte et à vie longue (TFA, FMA, MA-VL, HA, FA-VL). 


« Il est important de préciser que ce montant ne représente pas la somme à mettre de côté dès aujourd’hui. Il est calculé pour une gestion à long terme des déchets et concerne donc des dépenses qui se feront au fil du temps pour les déchets déjà produits, souligne Gaëlle Saquet, secrétaire générale de l’Andra. En fait, il correspond à un investissement de départ de 9,5 milliards d’euros, qui, une fois placés correctement, rapporteront des intérêts permettant de disposer de la somme globale le moment venu. »

 

Vue aérienne du Centre de Meuse/Haute-Marne

La part du stockage : une évaluation complexe 

Concernant le stockage proprement dit, si le coût de la prise en charge des déchets à vie courte dans les centres exploités par l’Andra dans l’Aube est aujourd’hui précisément connu, l’évaluation est plus complexe pour les déchets à vie longue, dont les centres de stockage sont encore à l’état de projet. C’est notamment le cas du futur centre de stockage profond Cigéo, prévu pour accueillir les déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue (HA/MA-VL) produits par l’ensemble du parc électronucléaire jusqu’à la fin de vie des installations et leur démantèlement. Le calcul de la Cour des comptes est fondé pour ce dernier sur la dernière évaluation officielle arrêtée par le ministère en charge de l’Industrie en 2005, qui l’estime entre 13,5 et 16,5 milliards d’euros. Une nouvelle évaluation officielle est attendue en 2013. 

« Le calcul du coût de Cigéo est extrêmement compliqué car il doit intégrer de nombreux paramètres qui évoluent dans le temps, explique Gaëlle Saquet. » Des incertitudes soulignées par la Cour de comptes, qui s’est attachée à en estimer l’impact sur le coût global de la filière nucléaire. « Ce dernier reste finalement très limité, conclut Michèle Pappalardo. Nous avons ainsi établi que le doublement du devis de Cigéo se traduirait par une augmentation de 1 à 2 % du coût de production du mégawatt heure. »

 

3 questions à... Pierre-Franck Chevet (DGEC)

Pierre-Franck Chevet, directeur général de l’énergie et du climat (DGEC)

Le Journal de l’Andra (JdA) : Qui paye pour la gestion des déchets radioactifs issus de la filière électronucléaire ? 

Pierre-Franck Chevet : Ce sont les producteurs de déchets qui sont responsables de ce financement. Ils paient une prestation à l’Andra pour le stockage des déchets actuels qui disposent déjà d’un centre adapté. Pour les déchets déjà produits mais qui ne disposent pas encore de stockage opérationnel, ils s’acquittent d’une taxe pour soutenir la recherche et doivent aussi provisionner de l’argent en vue de la construction des centres en projet et de leur exploitation. 

 

JdA : Ils payent donc aujourd’hui pour des déchets déjà produits mais qui seront stockés demain ? 

P.-F. C. : Oui, il est important que le financement du stockage soit assuré dès que les déchets sont produits afin de ne pas reporter la charge de la gestion des déchets radioactifs sur les générations futures. C’est pourquoi l’article 20 de la loi du 28 juin 2006 exige des exploitants des installations nucléaires qu’ils mettent de côté l’argent qui servira à financer le démantèlement des installations et la gestion de leurs déchets radioactifs (conditionnement, stockage, surveillance des centres de stockage…). Pour cela, ils doivent d’abord évaluer les charges de démantèlement de leurs installations ainsi que celles de gestion de leurs combustibles usés et déchets radioactifs. À partir de cette estimation, ils doivent constituer les provisions afférentes à ces charges et affecter les actifs nécessaires à la couverture de ces provisions. L’État exerce un contrôle très strict de ce mécanisme. 

 

JdA : Finalement, ce coût est reporté sur la facture d’électricité payée par le consommateur ? 

P.-F. C. : Nous bénéficions tous de la production d’électricité. Il est normal que nous payions également pour le traitement des déchets que cela occasionne. C’est un peu comme le principe de l’éco-taxe dans l’électroménager. Dans le cas de l’électricité, cela correspond à moins de 1 % de la facture que chaque citoyen paye pour sa consommation d’électricité.