« Contribuer à l’un des grands défis de notre génération » : le président du Comité éthique et société dresse son bilan
Depuis 2016, le Comité éthique et société (CES) éclaire, fait progresser et évalue l’Andra sur les enjeux éthiques de ses activités et l’implication des parties prenantes dans la gestion des déchets radioactifs. Rémi Barbier, président du CES depuis 2018, fait le bilan de son premier mandat et livre ses perspectives pour l’avenir. Entretien.
Vous présidez le CES depuis 2018 et en êtes membre depuis 2016. Quels enseignements en retirez-vous personnellement ?
Comme tous les membres du comité, je suis engagé à titre bénévole. Dans la vie, je suis professeur à l'École nationale du génie de l’eau et de l’environnement de Strasbourg, et sociologue de l’environnement. Avant de rejoindre le CES, je m’étais intéressé aux problématiques de conflit et de concertation autour des projets de traitement de déchets municipaux, mais je n’avais qu’une connaissance modeste des enjeux liés au stockage des déchets radioactifs.
Comme d’autres membres, j’ai donc beaucoup appris et une partie de notre temps a d’abord été consacrée à nous former aux bases du cycle du combustible, etc., ce qui est passé notamment par la visite des centres de l’Andra, que ce soit dans le Cotentin [le Centre de stockage de la Manche, NDLR], à Soulaines, dans l’Aube [le Centre de stockage de l’Aube, NDLR] ou dans le Laboratoire souterrain de Bure [au Centre de Meuse/Haute-Marne, NDLR].
Présider un comité était pour moi une première. Et cela a été une responsabilité à la fois enthousiasmante et prenante. Enthousiasmante car nous avons réfléchi et contribué modestement à des sujets qui font partie des grands défis que notre génération, et les prochaines, ont à relever. Prenante aussi, car même si nous n’avons que quatre réunions plénières par an, nous nous sommes tous impliqués pour aller sur le terrain, auditionner des experts et des acteurs locaux, et rédiger des avis qu’on espère pertinents et utiles.
Pourquoi le rôle du CES est-il important selon vous ? Et comment a-t-il fait avancer l’Andra et interagi avec elle depuis quatre ans ?
Notre mission consiste à interpeller et à faire progresser l'Andra sur les « enjeux éthiques, citoyens et sociétaux » de ses activités. Cela passe tout d'abord par les échanges que nous avons avec l'Agence lors de nos réunions plénières : nous programmons des points d'actualité et des auditions, à la suite desquels nous engageons le débat. Par exemple, au début, nous avons beaucoup interagi sur la gouvernance de Cigéo et les modalités de concertation autour de cette gouvernance. Nos échanges ont notamment porté sur la manière dont ils pensaient tirer les leçons des consultations-concertations et procéder concrètement à la co-construction de cette gouvernance. Nous avons repris cette discussion plus récemment, dans le même esprit d'interpellation, de clarification, d'approfondissement.
Cela passe ensuite par la rédaction d'avis, destinés à l'Andra mais également rendus publics. Dans ces avis, nous nous efforçons de clarifier les enjeux. Nous nous sommes par exemple saisis du débat sur le PNGMDR (Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs) pour formaliser dans une contribution écrite une première réflexion sur les enjeux éthiques et politiques liés à la gestion des déchets radioactifs. Et nous sommes également force de proposition. Dans notre dernier avis sur l’insertion territoriale des projets et activités de l’Andra, nous suggérons par exemple d’engager la construction d’un projet de territoire autour des sites de stockage des déchets radioactifs.
Finalement, notre Comité permet à l'Andra de maintenir à un niveau élevé de son agenda ces préoccupations d'ordre éthique et sociétale. Et cela nous permet également d'inscrire des sujets d'intérêt sur cet agenda, via notre capacité d'auto-saisine.
Quelles sont vos attentes pour l’avenir du CES ?
Nous souhaitons être plus volontaristes dans la diffusion de nos avis, de manière à mieux affirmer notre place dans l'écosystème des instances qui interviennent sur ces enjeux éthiques et sociétaux des déchets radioactifs.
De plus, nous souhaitons structurer davantage notre agenda, autour de deux niveaux d’action. Un premier pour travailler sur le temps long à une thématique bien identifiée : 18 mois environ pour nous donner la capacité de nous former, de procéder à des auditions de qualité et diversifiées, d’écrire un avis et d’organiser en clôture un évènement, afin de faire vivre le débat public autour des questions éthiques soulevées par la gestion des déchets nucléaires. Et un deuxième niveau de travail « au fil de l’eau », pour profiter de chaque réunion trimestrielle du comité pour systématiser un temps de dialogue et d’interpellation avec l’Andra sur des sujets d’intérêt qu’elle ou nous aurons identifiés, et contribuer ainsi à la qualité de l'indispensable débat autour de ce sujet majeur.
Le Comité éthique et société, c’est…
Un organe de démocratie environnementale rattaché à l’Andra qui a pour mission d’éclairer, donner des avis, faire progresser et évaluer l’Agence sur :
La prise en compte effective par l'Andra des enjeux éthiques, citoyens et sociétaux dans ses activités et ses projets ; le dialogue et l'implication des parties prenantes et intéressées dans les activités et les projets de l'Andra ; et l’orientation des recherches menées par l’Andra dans le champ des sciences sociales en lien avec les domaines de compétences du comité.
Le Comité regroupe des personnalités qualifiées indépendantes, aux expertises plurielles aux niveaux national et international.