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Écoute, dialoge, concertation et arbitrage au programme de la CNAR

Dépolluer oui, mais jusqu’à quel point, et à quel coût ? Et comment concilier les impératifs techniques et financiers, et la volonté des populations ? La décision, souvent délicate, toujours concertée, relève de la Commission nationale des aides dans le domaine radioactif (CNAR). Les explications de Marie-Claude Dupuis, directrice générale de l’Andra, qui préside cette instance.

Comment définiriez-vous la mission de la CNAR ?

Marie-Claude Dupuis

La CNAR est une instance collégiale de concertation émanant directement de l’Andra. Elle s’appuie sur une expertise collective pour définir le meilleur usage des subventions publiques consacrées à l’assainissement des sites pollués par la radioactivité et à la collecte d’objets radioactifs anciens, avec pour impératif absolu la sécurité des populations.

 

Dans quel cadre a-t-elle été mise en place ?

Cette commission a été créée sous l’égide du conseil d’administration de l’Andra en 2007. Elle est la conséquence directe de la loi du 28 juin 2006, qui donne enfin un cadre à l’action de réhabilitation des sites pollués que l’Andra menait auparavant sans moyens financiers ni responsabilité clairement définie. Lors de mon expérience précédente au ministère chargé de l’Environnement, nous nous appuyions sur un dispositif similaire mis en place par l’Ademe pour les sites pollués chimiquement. Je n’ai fait que reprendre le modèle de l’Ademe, en l’adaptant aux déchets radioactifs.

Nous n’avions clairement ni les moyens financiers, ni les moyens humains de tout faire d’un seul coup ; d’où l’idée de réunir toutes les parties prenantes pour définir ensemble les objectifs et les priorités d’assainissement de ces sites pollués : les autorités publiques concernées et les experts nucléaires bien sûr, mais aussi les associations, les aménageurs… toutes personnes susceptibles d’apporter un avis éclairé sur la question. Cette notion de multipartisme est, à mon sens, essentielle.

 

Comment se déclenche une procédure pour un site pollué par la radioactivité dont le responsable est défaillant ?

Ce sont les préfets qui demandent aux ministères de tutelle de saisir la CNAR et l’Andra. Le dossier est dans un premier temps instruit par les services techniques de l’Andra, qui établissent différents scénarios de traitement et proposent des devis pour chaque solution.

Il est ensuite soumis à la CNAR, qui va débattre du niveau de dépollution à mettre en œuvre. Au-delà de la mise en sécurité, s’agit-il de rendre le site dans son état d’origine en procédant à une dépollution approfondie, ou peut-on se contenter d’une dépollution partielle pour rendre un site dans un état compatible avec son usage futur, et à quelles conditions ? Dans tous les cas, la dépollution doit permettre de supprimer le risque sanitaire bien sûr.

 

Quels sont vos critères d’arbitrage ?

Chaque situation est débattue au cas par cas et plusieurs facteurs entrent en jeu. Il y a bien sûr le coût de la dépollution et sa prise en charge. Notre position dans ce domaine est très claire : ce qui relève de la responsabilité des pouvoirs publics est “la mise en sécurité de façon pérenne du site”. Cela ne signifie pas forcément sa dépollution totale. Si un aménageur souhaite aller plus loin que ne l’exige la mise en sécurité, en vue d’un projet immobilier par exemple, il devra contribuer au financement.

Un deuxième facteur important est la gestion des déchets générés par cette dépollution, dont le transport et la capacité d’accueil. En France, nous avons des solutions de stockage durable pour plus de 90 % des déchets radioactifs. Mais ce n’est pas encore le cas des déchets de faible activité à vie longue pour lesquels nous ne disposons pas encore de stockage définitif ni de solution d’entreposage.

 

Comment prenez-vous en compte l’avis des acteurs locaux ?

Les élus et les associations plaident en général pour la dépollution totale des sites. Nous n’opposons jamais un non catégorique. Nous expliquons la solution choisie, en laissant toujours une marge d’appréciation et de manœuvre aux acteurs locaux.

Dans le cas du site d’Orflam Plast par exemple, nous avons dû opter pour le confinement sur place des déchets sur le site de l’usine, mais nous avons fait en sorte de décontaminer les berges de l’étang. Nous devons par ailleurs poursuivre les discussions avec les acteurs locaux sur les modalités de réaménagement et de surveillance du site de l’usine.

 

 

Qui siège à la CNAR ?

La CNAR est présidée par la directrice générale de l’Andra. Elle comprend :

  • des représentants des autorités : ASN, direction générale de la Prévention des risques, direction générale de l’Énergie et du Climat, direction générale de la Santé ;
  • des représentants des établissements publics techniques (Ademe, IRSN) ;
  • des représentants du monde associatif (France Nature Environnement, Robin des Bois) ;
  • des élus (un élu désigné par l’Association des maires de France) ;
  • et deux personnes qualifiées : un représentant d’un établissement public foncier et un spécialiste en assainissement.

 

 

Témoignage : Charlotte Nithart, directrice de l’association Robin des Bois, membre de la CNAR

Notre culture des sites pollués et des déchets radioactifs est complémentaire de la mission de l’Andra. Notre présence au sein de la CNAR nous permet de donner notre avis sur les projets de dépollution, leur hiérarchisation et le choix des solutions mises en œuvre. C’est aussi un moyen de suivre les avancées techniques des dossiers… et de demander des ajustements lorsque cela est nécessaire ! Ce n’est pas de la concertation de façade. Le dialogue existe réellement.

À défaut d’être toujours entendu, on est toujours écouté. Par exemple, dans le cadre des sites contaminés au radium, un sujet que nous connaissons bien pour avoir contribué à leur inventaire, nous avons demandé à faire des points réguliers pour suivre l’avancée des dossiers. Cela a abouti à la mise en place d’une CNAR restreinte radium qui se réunit tous les deux mois.

Avec l’Andra, notre point de vue est pris en compte, même si nous ne subissons pas les mêmes contraintes. Nous plaidons ainsi pour une dépollution maximale des sites et sommes clairement opposés au confinement des déchets sur place. Une position qui doit souvent faire face à des problèmes budgétaires ou de disponibilité des stockages. C’est le monde à l’envers ! Normalement, on adapte les sites de stockage aux volumes de déchets présents. Dans ce cas précis, on se voit contraint d’adapter les volumes de terre contaminée excavée aux capacités de stockage. C’est pourquoi nous avons clairement pris position en faveur de la création urgente d’un site de stockage pour accueillir les déchets FA-VL. Une position que nous n’avons pas hésité à défendre publiquement et que nous continuons à défendre en priorité pour les déchets radifères.