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Partage d’expérience : l’exemple de l’aéroport de Beauvais

L’arrivée d’un grand projet est souvent un exercice d’équilibriste pour son territoire d’accueil. Chaque année, 4 millions de passagers transitent par Beauvais, 10e aéroport de France. Si son développement ne s’est pas fait sans difficultés, « BVA » a su trouver sa place dans un territoire rural. Comment et à quelles conditions ? Les explications de Philippe Trubert, directeur du syndicat mixte de l’aéroport de Beauvais-Tillé (SMABT), propriétaire de l’infrastructure.

© Benjamin Teissedre

Comment l’aéroport de Beauvais a-t-il été accueilli dans le territoire ?

L’aéroport de Beauvais existe depuis les années 1930. Il a connu son âge d’or entre 1960 et 1980 avant de décliner avec la concurrence de l’aéroport de Roissy. En 1997, la libéralisation du secteur et l’émergence des compagnies low cost ont permis à ce site en sommeil de reprendre son activité. Beaucoup de riverains ont découvert la présence de l’aéroport, et la gêne qu’elle pouvait occasionner. Des associations de riverains se sont créées.

 

Au départ, les élus locaux ne s’intéressaient guère à ce projet... 2005 a été un tournant ?

Avec les lois de décentralisation, l’État s’est désengagé et a cédé la propriété de l’aéroport aux collectivités locales regroupées au sein d’un syndicat mixte, le SMABT, aujourd’hui propriétaire de l’infrastructure et superviseur de la Sageb qui assure, sous contrat de concession de service public, l’exploitation et la gestion du site. Aujourd’hui, Beauvais-Tillé se classe parmi les dix plus importants aéroports français, mais cette notoriété ne s’est pas faite sans une prise en compte des préoccupations du territoire...

 

Qu’avez-vous mis en place pour accompagner l’intégration du projet ?

Nous avons toujours cherché à maintenir le meilleur équilibre entre un dispositif très rigoureux de protection des riverains et la compétitivité de l’aéroport. Ce qui n’est pas toujours simple. Dès le début, les élus ont demandé que soit imposé un « couvre-feu » (pas de vols entre minuit et 5h du matin).

Puis, à partir de 2007, un travail vertueux s’est engagé entre le gestionnaire et les élus autour de la rédaction du contrat de concession de service public. Nous avons par exemple accéléré le traitement et le financement de l’aide à l’insonorisation des logements. Pour ce faire, le SMABT a versé une avance de 3 millions d’euros pour que les habitants puissent réaliser le plus rapidement possible les travaux dans leur logement. En complément, une aide exceptionnelle à l’insonorisation a été mise en place par le SMABT pour les habitations situées en limite de la zone du plan de gêne sonore. Aujourd’hui, 80% des logements éligibles ont été insonorisés en huit ans (contre 60% en moyenne pour les autres aéroports français). Les avions d’ancienne génération,plus bruyants, ont été interdits d’accès à l’aéroport. Nous avons une volonté forte de faire plus que ce que la règlementation nous impose.

 

Concrètement, comment l’aéroport bénéficie-t-il au territoire aujourd’hui ?

En 2017, les retombées économiques de l’infrastructure ont été évaluées à près de 350 millions d’euros. Mille emplois locaux ont été créés, dont 86 % dans l’Oise et 49 % dans le Beauvaisis,ce qui est énorme pour un territoire rural comme le nôtre. Cette réussite s’est ancrée dans le territoire : beaucoup de prestataires vivent grâce à l’aéroport et une économie collaborative s’est développée. Au printemps dernier, un sondage du cabinet Opinion Way a montré que 60 % des personnes interrogées s’estimaient « fières » de la présence de l’aéroport. Certes, ce n’est pas l’opinion de tout le monde... mais aujourd’hui, Beauvais est plus connu pour son aéroport que pour sa cathédrale. Et ici, tout le monde connaît quelqu’un qui y travaille.

 

Quelle est pour vous la condition d’un projet bien intégré ?

Impliquer et dialoguer avec les habitants est indispensable. Nous avons par exemple créé un groupe de travail « Trajectoires » avec l’aviation civile pour informer les riverains, écouter et prendre en compte autant que possible leurs remarques. Même si une défiance persiste, les gens sont demandeurs, s’intéressent et sont plutôt pourvoyeurs d’idées. Expliquer nos objectifs en respectant nos engagements est incontournable.