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La CNAR, à la recherche du meilleur compromis

Reconduit à la tête de la Commission nationale des aides dans le domaine radioactif (CNAR), Didier Dubot dresse un bilan de son premier mandat (2019-2023) et explique les objectifs qu’il se fixe pour l’avenir de cette institution essentielle dédiée à l’assainissement de sites pollués par la radioactivité.

Pouvez-vous nous présenter la mission de la CNAR ?

Didier Dubot

La Commission nationale des aides dans le domaine radioactif a été créée en 2007 pour définir l’usage des subventions publiques consacrées à l’assainissement des sites pollués par la radioactivité.

Nous intervenons dans le cas où des parcelles ou des habitations de particuliers contaminées par de la radioactivité sont « orphelines », c’est-à-dire que le responsable de la pollution a disparu ou qu’il n’est pas solvable. Nous agissons également sur d’anciens sites industriels pollués par des activités passées à base de radium et sur lesquels des contaminations radioactives résiduelles sont détectées.

Quelle est l’origine de ces contaminations ?

Les scénarios diffèrent à chaque fois. On retrouve par exemple une ancienne fabrique de cadrans d’aviation avec de la peinture au radium dont les bidons étaient entreposés au sous-sol ; une cave qui dissimulait différents objets radioactifs issus d’une petite usine qui utilisait du radium ; et plus largement, des habitations qui ont abrité, il y a de longues années, de petits ateliers se servant de produits contenant des substances radioactives.

Il faut savoir que le radium, découvert par les époux Curie en 1898, était prisé dans les années 1920 à des fins commerciales, voire spéculatives. Cet engouement s’est traduit par le développement d’une industrie du radium : fabrication de pommades, fontaine au radium ou encore des objets d’horlogerie radioluminescents.

Comment intervenez-vous ?

Décontamination d'une habitation à Gif-sur-Yvette

Une fois qu’a été effectué le diagnostic du site pollué par la radioactivité, la commission émet son avis concernant la stratégie de dépollution, en fonction des critères techniques, des usages futurs, financiers et réglementaires ainsi que des filières existantes de stockage des déchets radioactifs générés. À partir de cela, les moyens financiers nécessaires à la réhabilitation sont estimés par l’Andra. Dès lors, la CNAR fixe le niveau des subventions publiques à allouer à l’opération, à partir d’un vote de l’ensemble de ses membres.

L’idée est de trouver un consensus entre tous les acteurs concernés sur le niveau de subventions allouées, la nature des travaux à entreprendre en fonction des usages futurs, voire les solutions d’éventuels relogements provisoires à mettre en œuvre, etc.

En qualité de président, mon rôle est fédérateur. J’aspire à ce que tous les membres de la commission puissent avancer leurs arguments : les représentants des autorités (ASN, Direction générale de la prévention des risques, Direction générale de l’énergie et du climat), les représentants des établissements publics techniques (CEA, IRSN, Établissement public foncier d’Île-de-France, Ademe), les associations (France Nature Environnement et Robin des Bois), l’élu nommé par l’Association des maires de France, etc.

Ma satisfaction est pleine dès lors que le consensus est trouvé et que les votes sont unanimes.

Quelles sont les difficultés de cette mission ?

Les ressources, humaines comme financières, sont limitées, et les coûts, comme dans de nombreux secteurs, augmentent. En conséquence, il faut être vigilant pour répartir les fonds à bon escient et en fonction des usages futurs du lieu investigué. Il vaut mieux décontaminer au juste nécessaire, en assurant la sécurité des personnes, qui reste bien sûr non négociable…

Quel bilan peut-on faire de votre précédent mandat (2019-2023) ?

Chantier d'assainissement dans le cadre de l'opération diagnostique radium

Cette année est une année charnière, car nous avons terminé douze sites priorisés par la CNAR dans le cadre de l’opération diagnostic radium (ODR). Cette opération a été lancée en 2010 : les occupants de locaux concernés par une pollution radioactive historique pouvaient bénéficier gratuitement d’investigations sur la présence éventuelle de traces de radium et de la réhabilitation des locaux. Ce premier cycle de l’ODR achevé, nous avons réalisé un retour d’expérience avec le concours de tous les membres et de l’ASN Paris. Ce retour d’expérience sera diffusé au cours du dernier trimestre 2023.

Quels sont les enseignements de cette expérience ?

Nous avons beaucoup progressé dans la finesse du diagnostic initial et dans la maîtrise des coûts de décontamination. Il y a vingt ans, à grands traits, on décontaminait progressivement, au fur et à mesure, sans connaître exactement l’ampleur de la contamination. Aujourd’hui, nous sommes capables d’évaluer très précisément l’étendue de la pollution dès le départ. Cela prend peut-être plus de temps et un peu plus de moyens financiers, mais c’est beaucoup plus efficace, car nous maîtrisons au mieux le budget final du chantier de décontamination. Je suis heureux que nous soyons parvenus à cette meilleure maîtrise au cours de mon premier mandat.

Quelles sont vos priorités pour le deuxième mandat qui débute ?

Compte tenu du retour d’expérience de cette première opération diagnostic radium, je plaide pour que de nouveaux fonds soient dégagés dans le cadre d’une ODR2, pour une dizaine de nouveaux sites par exemple. Pour cela, il faut prendre son bâton de pèlerin et convaincre les acteurs institutionnels.

Il y a actuellement un savoir-faire important au sein des équipes de l’Andra pour réhabiliter de façon optimale ces sites, et il est nécessaire de préserver ce savoir-faire déjà bien ancré et qui fonctionne très bien. Si on ne l’alimente pas en projets, cette expertise risque de disparaître.
Cette priorité vient s’ajouter à d’autres, en ce début de second mandat, telles que l’amélioration de la préservation de la mémoire des sites dépollués, la communication aux futurs propriétaires sur l’assainissement des sites, la manière dont les projets sont menés, etc.
 

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