Maëlys Cadel, une (future) docteure au chevet des sols agricoles
Dans le cadre de ses travaux de recherche, l’Andra accorde chaque année plusieurs bourses de thèses sur des thématiques scientifiques ou technologiques liées à ses activités. Quelles sont les pratiques agricoles les plus favorables à la durabilité des sols sur le territoire de l’Observatoire pérenne de l’environnement ? Pratiques qui, d’ailleurs, permettent de limiter les intrants anthropiques* sans réduire la production agricole. C’est l’une des questions que se pose Maëlys Cadel, doctorante pour l’Agence. Pour y répondre, elle simule des rotations de culture sur différents types de sol via un modèle informatique.
« Finalement, mes études m’auront menée des profondeurs à la surface », note avec humour Maëlys Cadel. Dès ses dernières années de lycée, la chercheuse de 27 ans est attirée par les sciences de la Terre. « Je voulais comprendre le fonctionnement de notre planète, son histoire, mais aussi les effets du changement climatique. » Le bac en poche, elle quitte Chartres et choisit d’étudier la géologie, puis l’hydrogéologie à l’université d’Orléans. À l’occasion d’un stage de Master 2 à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), elle passe des couches profondes à celles superficielles, mais essentielles, du sol. « Mes études m’auront bien servi. Les sols sont une interface. Il faut comprendre leurs interactions avec tous les compartiments (sous-sol, atmosphère, eaux de surface, eaux souterraines, etc.) et avec les activités humaines pour comprendre comment ils évoluent. » En octobre 2020, elle entame sa thèse pour l’Andra sur les relations entre les services écosystémiques auxquels contribuent les sols (pour des systèmes de grandes cultures en climat tempéré).
Simuler sur vingt ans
Ses données de travail, Maëlys Cadel les puise notamment à l’Observatoire pérenne de l’environnement (OPE) qui couvre une zone de référence de 345 km2. Créé par l’Andra en 2007, cet outil de suivi unique en France a pour mission de dresser un état initial de l’environnement (eaux, air, sols, forêts, faune, flore, etc.) du territoire d’accueil de Cigéo avant sa construction, puis de suivre son évolution durant toute son exploitation.
Avec l’accord d’agriculteurs volontaires, la scientifique prélève des échantillons de sol dans les parcelles puis les caractérise : plus ou moins argileux, caillouteux, etc. Ces relevés alimentent un modèle qui simule le fonctionnement du système sol-plante en fonction du climat et des pratiques agricoles – modèle qu’elle fait tourner sur vingt ans. « Je fais varier le type de sol pour un cycle de culture – comme une rotation colza, blé, orge – ou je fais varier la rotation : j’introduis des couverts intermédiaires, des légumineuses à graines ou de la luzerne par exemple », détaille avec minutie la chercheuse qui, loin des champs, calcule des indicateurs de services écosystémiques derrière les écrans d’ordinateur, dans un bureau de l’unité de recherche Info&sol de l’INRAE. « Telle ou telle pratique d’exploitation favorise-t-elle des synergies entre le stockage et la restitution de l’eau à destination des cultures et la production de biomasse ? Quel est l’impact sur la séquestration du carbone ? Quelles pratiques permettent de tendre vers des systèmes plus autonomes en azote ? Voilà des questions auxquelles j’essaye de répondre (voir encart, ci-dessous) », explique-t-elle. In fine, ces travaux aideront à identifier les pratiques culturales les plus bénéfiques à la fois à l’environnement et aux agriculteurs. De quoi éclairer la décision publique.
Des clés pour demain
Ce suivi à long terme d’un territoire renseigne le présent pour mieux préparer l’avenir. « En évaluant comment le travail du sol, le choix des rotations de culture ou encore les types et quantités d’intrants affectent les services rendus par les sols agricoles, ces recherches peuvent aider les agriculteurs à mieux adapter leurs pratiques. En connaissant leurs effets sur le milieu, ils peuvent les moduler en fonction du but poursuivi : le stockage et la restitution d’eau aux plantes, la fourniture en azote minéral, le maintien de la biodiversité du sol, le maintien de la structure du sol, etc. », note Maëlys Cadel. Pour l’Andra, ce travail de R&D en environnement, réalisé dans le cadre des activités de l’OPE, permet de constituer une base de connaissances scientifiques en appui à une évaluation environnementale de plus en plus intégrée de Cigéo et, à plus court terme, en support à l’étude d’impact du projet.
Travaillant aujourd’hui en agronomie et grâce à son parcours, elle a le sentiment de faire œuvre utile : « Des systèmes agricoles plus vertueux servent à la fois à l’alimentation de tous, à la protection de l’environnement mais aussi à la lutte contre le changement climatique. Si je dispose d’assez de temps, j’aimerais bien intégrer à mon modèle les projections du GIEC sur le climat à venir », indique la doctorante qui présentera sa thèse en septembre 2023. Une idée à garder pour de futurs travaux ?
* Intrants anthropiques : les différents produits apportés aux terres et aux cultures par l’homme.
Services écosystémiques, késako ?
La séquestration du carbone, la fourniture d’azote aux plantes cultivées ou le stockage de l’eau dans les sols sont autant d’exemples de services écosystémiques. Ils représentent les services rendus par la nature au profit des sociétés humaines. On distingue quatre grandes catégories de services : les services d’approvisionnement, les services culturels, les services de régulation et les services de soutien (cette dernière catégorie étant souvent fusionnée avec celle des services de régulation). La pollinisation est un des exemples les plus parlants : les insectes pollinisent nos cultures, ce qui nous permet de manger.
Les travaux de Maëlys font partie de la démarche d’évaluation des services écosystémiques menée par l’Andra sur la zone d’observation de l’OPE. Cette démarche doit permettre d’appréhender, de traiter, d’évaluer, de structurer et de cartographier les données d’observation acquises.