Médecine et radioactivité : de quoi parle-t-on ?
Quels éléments radioactifs la médecine nucléaire emploie-t-elle ? Pour quelles applications est-ce utile et avec quels instruments ? On fait le point.
Comment définir la médecine nucléaire ? Comme l’explique le professeur Jean-Philippe Vuillez du CHU de Grenoble, dans l’émission « À l’Andra, à l’envers, les sciences en perspectives » diffusée sur Troyes Aube Radio(*), « la médecine nucléaire consiste à injecter des produits radioactifs aux patients que nous prenons en charge dans un but diagnostic ou thérapeutique ».
Premier usage : diagnostiquer avec précision
Les techniques de diagnostic en médecine nucléaire ne montrent pas l’anatomie comme une radio ou un scanner. Il s’agit d’une imagerie fonctionnelle : « Elle montre vraiment la biologie à l’œuvre dans les cellules », ajoute Jean-Philippe Vuillez.
L’imagerie anatomique (ou morphologique) comme l’imagerie fonctionnelle s’appuient sur des rayonnements ionisants pour « mettre en lumière » un trouble ou un dysfonctionnement. Ils ont en effet la capacité de traverser la matière. Les rayonnements utilisés pour le diagnostic sont les rayons X et gamma.
Mais les rayons X émis lorsqu’on passe une radio ou un scanner ne sont pas dus à la radioactivité. Ils sont produits par des générateurs électriques. Une fois ces générateurs éteints, les rayonnements cessent, contrairement à la radioactivité qui peut avoir une durée de vie plus ou moins longue en fonction de l’élément concerné.
La médecine nucléaire à proprement parler utilise, elle, des radio-isotopes ou radionucléides. « Ils sont radioactifs pour être détectables, précise encore Jean-Philippe Vuillez. Selon les propriétés de tel ou tel produit, il va s’accumuler dans tel ou tel organe et nous apporter des informations sur les mécanismes physiopathologiques, c’est-à-dire ce qui explique qu’une maladie donne tel et tel symptôme et ce qui permettra ensuite de la soigner. »
C’est la base de l’imagerie en médecine nucléaire : la scintigraphie. Et c’est la plus ancienne. Elle consiste à administrer au patient une petite quantité de substance radioactive appelée médicament radiopharmaceutique (MRP) par voie intraveineuse, par inhalation ou par ingestion. Cette substance est choisie en fonction de l’organe ou du tissu à observer sur lequel elle va se fixer. Et ses rayonnements sont détectés à l’aide d’un système d’imagerie appelé gamma-caméra. Selon l’organe et la pathologie, le tissu malade apparaîtra alors à l’écran comme une zone chaude par rapport au tissu sain ou, à l’inverse comme une zone froide. On peut faire des scintigraphies osseuses, des scintigraphies thyroïdiennes, des scintigraphies pulmonaires…
Autre technique de la médecine nucléaire diagnostique, plus récente, la tomographie par émission de positons (TEP) est aussi une scintigraphie, mais elle permet de localiser plus finement la zone d’émission et permet un dépistage précoce des cancers ou le diagnostic de maladies dégénératives comme la maladie d’Alzheimer.
Deuxième usage : irradier pour détruire les cellules malades
Outre son utilité dans le diagnostic, la radioactivité a également largement prouvé son efficacité dans le traitement de maladies graves, de cancers notamment. Son principe : irradier des cellules cancéreuses pour altérer leur ADN, les empêcher de se multiplier, et finalement les détruire.
La radiothérapie interne consiste, comme son nom l’indique, à injecter des sources radioactives dans le corps via une injection de médicaments radiopharmaceutiques spécifiques : on parle alors de radiothérapie métabolique.
Et la recherche se poursuit en médecine nucléaire. De nouveaux radionucléides sont ainsi élaborés pour diagnostiquer toujours plus précocement, suivre plus précisément les traitements et cibler plus efficacement les cellules cancéreuses.
(*)Première diffusion le mardi 22 juin 2021, disponible en replay sur Troyes Aube Radio
Une discipline médicale très encadrée
Parce qu’elle s’appuie sur l’utilisation de la radioactivité, la médecine nucléaire fait l’objet d’une règlementation précise et de contrôles fréquents réalisés par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). C’est aussi l’ASN qui accorde les autorisations pour les activités nucléaires relatives à la fabrication, la détention et l’utilisation de radionucléides. Les inspections dans les services de médecine nucléaire réalisées par l’ASN permettent de s’assurer notamment du respect des règles relatives à la radioprotection des patients comme du personnel.