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« Multiplier les chances que le message soit compris »

Dans le cadre de la 3e édition de son appel à projets « Art et Mémoire », l’Andra a une nouvelle fois invité les artistes de toutes les disciplines à proposer leurs idées pour contribuer à la réflexion collective sur la mémoire des centres de stockage de déchets radioactifs. Trois artistes ont été primés en février 2019 pour la pertinence, la cohérence et l’originalité de leurs propositions artistiques. Designer sonore, Florian Behejohn, prix du Public, revient sur son projet et ses motivations à participer au concours.

Florian Behejohn, 34 ans est diplômé de l’école des beaux-arts de Cergy-Pontoise. Designer sonore, plasticien et enseignant, sa production artistique comprend des performances audiovisuelles, des installations numériques mais aussi des scénographies d’images. Toutes questionnent les rapports entre art, conscience et perception du monde, et poursuivent un objectif commun : faciliter l’exploration et l’expression du potentiel créatif de chacun. Avec son projet « Lithonance », Florian Behejohn propose un dispositif monumental intriguant et durable.

 

Pourquoi avez-vous participé à l’appel à projets « Art et mémoire » de l’Andra ?

On connaît tous quelqu’un qui habite à proximité d’une centrale nucléaire… Pour ma part, j’étais sensibilisé à la question du stockage des déchets radioactifs depuis très longtemps. La manière dont on produit et dont on gère notre énergie est cruciale, et elle soulève énormément de questions, notamment philosophiques. Répondre à la manière fonctionnelle dont on pourrait transmettre la mémoire des centres de stockage est une bonne façon de se confronter au sujet.

En quoi consiste votre œuvre ?

Lithonance est un dispositif d’alerte et d’information, ainsi qu’un système acoustique monumental. Constitué d’un ensemble de mégalithes en roche de synthèse, il a vocation à signaler par sa forme et sa couleur l’existence d’un site « remarquable ». Les mégalithes sont disposés en trois cercles concentriques, et chacun – blanc, jaune et rouge – figure un niveau de danger. Leurs formes vont de l’ogive dans la zone la plus éloignée jusqu’au pavé droit aux arêtes saillantes dans la zone la plus proche du stockage. Sur chaque face, des informations hiéroglyphiques renseignent sur la position du site. Elles fournissent également une mise en garde imagée quant au danger lié à la radioactivité. Par son architecture aux propriétés vibratoires et résonnantes, Lithonance capte et amplifie la force cinétique du vent et de l’eau pour produire des sons dont l’objet est d’attirer et de traduire un message d’alerte. Plus le vent sera fort et plus le son sera fort. Plus la personne se rapprochera du site de stockage, plus le sifflement émis par les mégalithes de la zone sera grave afin d’être entendu le plus loin possible.

Même si la nature reprenait ses droits sur le site jusqu’à masquer l’ouvrage, il en resterait une trace suffisamment spécifique et intrigante. Sur la face supérieure du mégalithe, des ouvertures servent également de voie d’écoulement à l’eau de pluie. L’eau circule ensuite dans un réservoir interne qui la fait ruisseler dans une vasque accessible depuis l’extérieur. Ces modes et variations d’expression de l’information sur un plan sonore ont pour but d’exprimer la proximité avec les sites d’enfouissement.

Qu’est-ce qui a guidé votre réflexion, votre inspiration ?

Je me suis d’abord beaucoup informé sur les activités de l’Andra et le stockage géologique profond… même s’il m’a semblé important de mettre mon avis de côté pour réfléchir à la question de la mémoire. Finalement j’ai abordé ce sujet de manière assez pragmatique. Je me suis efforcé de me mettre à la place des générations futures. Imaginons que des êtres humains se retrouvent en situation de ne plus avoir aucune connaissance de la manière dont nous vivions au XXIe siècle… Comment feraient-ils pour comprendre le message que nous avons tenté de leur transmettre ? Comment les prévenir ? J’ai cherché à retrouver des formes et les langages éprouvés depuis des millénaires par les êtres humains comme les mégalithes, les cupules, les hiéroglyphes. J’ai aussi tenté de multiplier les chances que le message soit compris en croisant les différentes approches (sonore, visuelle, architecturale) et modalités d’usage de l’objet.

 

Vue des trois catégories de mégalithes de face
Informations hiéroglyphiques (la carte)
Informations hiéroglyphiques (Mise en garde)
Vue du lithophone
Voie d’écoulement de l’eau de pluie
Termen, 1e prix Andra : une balise géologique visible du ciel Implore/Explore, 2e prix Andra : prendre en compte la curiosité des archéologues du futur