Un regard sur les déchets radioactifs et le nucléaire avec Florian Pollet d’Échanges Climatiques
Afin d’ouvrir le débat avec la société civile sur la gestion des déchets radioactifs, l’Andra invite régulièrement des étudiants, ingénieurs, spécialistes des questions d’énergie, professionnels de la vulgarisation scientifique, youtubers, think-tanks et bien d’autres à venir visiter ses installations. Qu’il s’agisse du Laboratoire souterrain en Meuse/Haute-Marne pour préparer Cigéo ou des centres industriels de l’Andra dans l’Aube (CI2A), c’est l’occasion de mieux comprendre les multiples dimensions que recouvre la gestion des déchets radioactifs : le temps, la sûreté, la mémoire, l’environnement, la science… Pour que chacun puisse s’emparer du sujet avec sa propre vision des choses et créer un débat constructif avec sa communauté.
C’est ainsi que Florian Pollet, étudiant en management de projet d’énergie derrière le compte Échanges Climatiques et le podcast du même nom, disponible sur toutes les plateformes, a eu l’occasion de visiter les installations de l’Andra dans l’Aube et en Meuse/Haute-Marne. Retour sur ces expériences en interview.
Pouvez-vous vous présenter ? Quelles sont vos activités ?
Je m’appelle Florian, je suis étudiant en management de projet d’énergie. Pendant mon temps libre, j'interviewe des experts pour mon podcast sur un sujet qui me passionne autant qu’il m’inquiète : le changement climatique.
Comment en êtes-vous arrivé à aborder ces sujets ?
Mon père m’emmenait toujours dans des endroits… disons champêtre : à la pêche ou en forêt le week-end, en randonnée, à la montagne pendant les vacances. Ma première prise de conscience de la fragilité de ces écosystèmes où j’ai passé une partie de mon enfance s’est faite en regardant “Une vérité qui dérange” d’Al Gore. Ce film m’a arraché mon insouciance.
Quelles sont les principales idées reçues sur les sujets en lien avec le changement climatique selon vous ?
Sans prétendre apporter une réponse exhaustive : le système Terre est si complexe qu’il est bien compris essentiellement que par des scientifiques. Cela laisse beaucoup de place à la désinformation chez le grand public. Être en opposition contre le GIEC, c’est aussi porteur et certains politiques, médias ou influenceurs s’engouffrent dans la brèche. De plus, la transition énergétique impose un tel changement de vie qu’il est tentant de faire l’autruche et de croire à la première fausse information qui nous rassure. Ainsi les idées reçues pullulent sur le changement climatique (il serait un phénomène naturel, l’être humain s’adapterait comme il l’a toujours fait), sur la transition énergétique (les voitures électriques pollueraient plus que les thermiques) et bien sûr, sur le nucléaire (les déchets radioactifs seraient un danger pour l'environnement et la santé publique).
D’où provient cette perception à votre avis ?
Sans être anti-nucléaire, je pense qu’il y a de bonnes raisons d’être sceptique : les projets de nouvelles centrales sont très longs, il n’est pas aisé de les financer et il y a un risque de défaut générique comme la corrosion sous contrainte quand on produit en série. Mais curieusement, les arguments anti que je croise le plus souvent relèvent souvent de la fausse information. À cet égard, je ne comprends pas la défiance envers Cigéo, surtout quand on connaît les alternatives (laisser les déchets radioactifs à la surface ou un procédé de transmutation hypothétique).
Vous avez visité le Laboratoire souterrain de l’Andra. Qu’avez-vous pensé de cette visite ?
Impressionnant. Je n’ai pas visité beaucoup de chantiers dans ma vie, mais je pense que je n’en verrai pas de plus atypique ! L’ascenseur qui nous emmène à 500 mètres de profondeur, la température fraîche, l’odeur, les câbles partout, c’est très spécial.
Quelle était votre appréhension de ce sujet avant de venir ?
J’ai toujours eu une vision plutôt positive du nucléaire mais je ne m’étais jamais posé la question des déchets radioactifs, de la même manière que je ne me suis pas toujours demandé ce qu’il se passait avec mes poubelles une fois le couvercle du conteneur fermé.
Cette perception a-t-elle évolué ensuite ?
Ma perception sur le nucléaire n’a pas changé. Sur la gestion des déchets les plus radioactifs qui pourront être stockés dans Cigéo, c’est évidemment plus clair, même si au bout du compte, tout cela est si pointu pour le profane que c’est aussi une question de confiance envers les experts. Quand on monte dans un avion ou qu’on suit un traitement médical, c’est le cas aussi.
Vous avez également visité les centres de l’Andra dans l’Aube. Quel a été votre ressenti ?
Il y a un imaginaire un peu glauque qui plane au dessus des déchets nucléaires : c’est le baril jaune dont fuit un liquide visqueux vert fluo qui s’infiltre dans l’environnement. Or les deux sites de l’Aube contrastent énormément avec ces images. On se rend compte que la grande majorité des déchets radioactifs ressemblent en fait à des déchets classiques et que leur gestion n’est pas plus exceptionnelle que n’importe quel site industriel.
Comment s’est finalement façonné votre regard actuel sur le nucléaire et la gestion des déchets radioactifs ?
En partie du fait du lobbying des associations anti-nucléaires, l’industrie est devenue plus transparente avec le grand public (ce qui m’a permis de visiter ces sites), mais je regrette que certaines ne jouent pas le jeu et utilisent des fausses informations pour générer de la peur.
Personnellement, même si je note que les déchets radioactifs ne représentent plus de risque une fois stockés, je préférerais qu’il y en ait le moins possible. Soit parce qu’on sera passé à la fermeture du cycle, soit parce que les avancées technologiques auront rendu possible le 100 % renouvelable. Mais en attendant, je dors sur mes deux oreilles.