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« On ne peut pas parler de la France de demain, sans s’intéresser à Cigéo », Philippe Subra, géographe

David Mazoyer, directeur du centre de l’Andra en Meuse/Haute-Marne a répondu à l’invitation du Festival international de géographie (FIG) pour participer à une table ronde intitulée « Quel avenir pour le projet Cigéo à Bure ? ». Pourquoi cette invitation ? En quoi Cigéo intéresse-t-il les géographes ? Que retenir de ce débat ? Les explications de Philippe Subra, directeur scientifique de l’édition 2018 du festival, et de David Mazoyer.

Le FIG aura 30 ans l’année prochaine. Pouvez-vous nous rappeler la vocation de cet évènement ?

Le FIG rassemble, tous les ans, plusieurs dizaines de milliers d’enseignants, d’étudiants ou simplement de passionnés de géographie, venus de toute la France autour de très nombreuses conférences, débats ou tables-rondes, mais aussi d’expositions et d’ateliers.

Chaque édition traite d’une thématique particulière, avec un ou plusieurs pays invités. Cette année, le thème choisi était « La France demain » et ce sont les pays d’Europe du Nord, de l’Islande à la Finlande, qui étaient à l’honneur.

 

Vous étiez le directeur scientifique de cette édition 2018. Deux conférences avaient notamment pour sujet le projet Cigéo. En quoi le projet intéresse-t-il la communauté des géographes (et plus largement les festivaliers) ?

On ne peut pas parler de ce que sera la France demain, des grands enjeux du territoire et de son aménagement, sans s’intéresser à ce projet. Un des plus importants en cours, mais aussi des plus controversés. La géographie a un rôle démocratique à jouer : éclairer les débats qui traversent la société, chaque fois qu’ils ont une dimension spatiale ou territoriale. Lors de cette édition du FIG, nous avons choisi de ne pas esquiver les sujets polémiques, mais au contraire de les assumer, en organisant la confrontation des points de vue. J’ajouterai que Cigéo n’est pas seulement un objet technique et technologique, une affaire d’ingénieurs. C’est aussi un objet géographique et géopolitique passionnant à de nombreux titres : parce qu’il repose sur une connaissance du sous-sol, il aura des répercussions en surface sur l’aménagement du territoire et l’économie locale et il prélèvera des ressources, notamment en eau, enfin parce qu’il divise la société locale et se traduit par un conflit.

 

Dans le cadre d’une table ronde dédiée au projet Cigéo, David Mazoyer, directeur du Centre de Meuse/Haute-Marne, a débattu avec Jean-Marc Fleury, un opposant au projet. Qu’avez-vous pensé de ce débat ?

J’ai trouvé que le débat était d’un très bon niveau. David Mazoyer et Jean-Marc Fleury, le fondateur d’Eodra(1), l’association qui regroupe les élus locaux opposés au projet, voulaient chacun convaincre, mais se sont montrés honnêtes dans leurs arguments et respectueux l’un de l’autre. Le titre du débat était : « Quel avenir pour le projet Cigéo ? », et évidemment les échanges ont très vite tourné autour des risques inhérents au stockage de produits hautement radioactifs et sur la pertinence de la solution testée à Bure. Le public était, comme souvent, composé en bonne part de militants anti-Cigéo, mais il est resté très discipliné et a pu poser de nombreuses questions.

 

(1) Association des Elus Lorrains et Champardennais Opposés à l’enfouissement des Déchets Radioactifs dite EODRA

 

Philippe Subra

Géographe, spécialiste de géopolitique de l’aménagement du territoire, travaille à l’Institut français de géopolitique de l’université Paris 8. Il est également membre du comité de rédaction de la revue Hérodote. Il est appelé à intervenir sur la radio nationale française, France Culture, sur des questions de géopolitique.

Le point de vue de David Mazoyer, Directeur du Centre de Meuse / Haute Marne

David Mazoyer

Le Festival international de géographie est un évènement incontournable pour la région Grand Est et être invités à nous y exprimer est une opportunité, à plus d’un titre. C’est d’abord une occasion supplémentaire d’ouvrir la question de la gestion des déchets radioactifs et du projet Cigéo à des publics d’horizons variés. Ce festival constitue un cadre d’expression inédit, qui renouvelle l’approche du sujet. C’est aussi l’occasion de réaffirmer le bien-fondé du projet Cigéo, sa robustesse, mais aussi l’intégrité de l’Agence et ses missions fondamentales d’intérêt général. L’Andra est très attachée au fait d’aller au-devant de tous les publics, et de débattre. L’exercice n’est pas toujours aisé, mais il est toujours enrichissant. En l’occurrence, la discussion a su rester sereine et les auditeurs ont été respectueux et attentifs aux arguments de chacun. Face aux questions récurrentes sur lesquelles nous sommes traditionnellement interpellés, j’ai tenu aussi à rappeler la posture d’humilité qui est la nôtre : nous comprenons que Cigéo puisse soulever des inquiétudes et c’est pourquoi il est conçu progressivement et en concertation étroite avec une grande pluralité d’acteurs. Nous y travaillons depuis de nombreuses années.

 

Le FIG, un festival qui ne connaît pas de frontières

« Les découpages du monde », tel était le thème de la première édition du FIG en 1990… En fondant le Festival international de géographie, Christian Pierret a souhaité créer un rassemblement ne connaissant pas de frontières physiques ni humaines. Lieu de découverte, d'apprentissage, de divertissement et d'échange, le FIG célèbre la géographie et la fait redécouvrir sous un nouveau jour.