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Projet H2MEMS ou comment détecter l’hydrogène en atmosphère confinée ?

Pour identifier et mesurer la présence d’hydrogène dans les installations souterraines de Cigéo, des dispositifs de surveillance capables de durer plusieurs décennies sont nécessaires. Le projet H2MEMS a ainsi conçu des capteurs d’hydrogène équipés de composants micro-électromécaniques en carbure de silicium. 

Cellule de mesure du projet H2MEMS

Dans Cigéo, le projet de centre de stockage géologique des déchets les plus radioactifs, la corrosion des matériaux métalliques présents notamment dans les déchets ou les ouvrages de stockage pourraient engendrer des dégagements d’hydrogène. À partir d’une certaine concentration, la présence d’hydrogène peut présenter un risque d’explosivité à condition qu’il y ait un élément déclencheur appelé énergie d’activation (comme les ultrasons, l’électricité statique, un choc, etc.).

Un ensemble de dispositions est ainsi prévu pour prévenir et limiter ce risque. Cigéo sera par exemple équipé d’un système de ventilation. Des dispositifs de surveillance, notamment des capteurs, seront également mis en place pour vérifier la qualité de l’atmosphère en souterrain, le bon fonctionnement des ventilations et la teneur en hydrogène tout au long de la durée d’exploitation du stockage.

Le projet H2MEMS (Hydrogen Micro-Electro-Mechanical Systems) a pour but de développer des capteurs équipés de microsystèmes pour évaluer avec précision la quantité d’hydrogène présente dans l’atmosphère de Cigéo. Ces microsystèmes sont des composants mécaniques et électroniques : la partie mécanique est soit une partie mobile composée d’une micropoutre, c’est-à-dire un petit parallélépipède d’un millimètre carré qui vibre, soit un millier de membranes de 30 microns sur 30 microns mises également en vibration ; la partie électronique permet de convertir les oscillations de la partie mobile en signaux électriques. Ces signaux transmettent ensuite l’information en surface.

Détecter l’hydrogène dans l’atmosphère

En haut, représentation schématique de la micropoutre pour mesurer la masse volumique et la viscosité du gaz
En bas, représentation schématique des membranes pour mesurer la vitesse de propagation du gaz

La technologie des capteurs MEMS est déjà utilisée dans les téléphones portables, les voitures ou les manettes des consoles de jeu(*). Le projet H2MEMS la détourne pour faire de la détection chimique. « La micropoutre va mesurer la masse volumique et la viscosité du gaz, et les membranes, sa vitesse de propagation. Ces trois paramètres physiques, qui diffèrent selon les composants de l’atmosphère, permettront au capteur non seulement d’identifier l’hydrogène mais aussi d’évaluer ses proportions dans l’atmosphère », explique Isabelle Dufour, professeur à l’université de Bordeaux, et responsable du projet H2MEMS. 

Par ailleurs, les capteurs seront installés en milieu radioactif. Ils devront fonctionner sans maintenance pendant toute la durée d’exploitation du centre de stockage, soit plus d’une centaine d’années. Le silicium qui compose la partie mobile des capteurs classiques n’étant pas suffisamment pérenne, le projet H2MEMS lui a trouvé un substitut : le carbure de silicium. « Le carbure de silicium a montré sa capacité à résister aux radiations et aux environnements contraints, tandis que les structures des capteurs MEMS permettent de mesurer avec précision les propriétés du gaz », précise Johan Bertrand, ingénieur R&D, en charge du suivi du projet à l’Andra.

Un projet qui intéresse l’industrie de l’hydrogène

Le projet H2MEMS, soutenu par le programme Investissements d’avenir, a été coordonné par le Laboratoire de l’intégration du matériau au système (IMS) de l’université de Bordeaux, qui a testé la réponse des capteurs à différents mélanges de gaz. Le Laboratoire d’analyse et d’architecture des systèmes (LAAS), à Toulouse, et le Groupe de recherche en matériaux, microélectronique, acoustique et nanotechnologies (GREMAN), à Tours, ont fabriqué les composants et l’électronique des capteurs pour effectuer les mesures. Le Centre de recherche sur l’hétéro-épitaxie et ses applications (CRHEA), à Sophia Antipolis-Nice, a mis au point le carbure de silicium.

Au-delà de la détection d’hydrogène dans les installations souterraines de stockage de déchets radioactifs, les résultats pourraient servir à d’autres applications, notamment pour la surveillance des activités de production d’hydrogène pour l’énergie (les piles à combustible utilisées pour l’alimentation des véhicules électriques par exemple), ou plus largement pour la détection de fuites de gaz dans un environnement industriel soumis à la réglementation relative aux atmosphères explosives.

Les travaux du projet H2MEMS se poursuivront dès l’automne 2022 dans un nouveau projet, MIGNON, financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR). MIGNON aura deux objectifs : affiner la mesure du gaz avec le carbure de silicium et améliorer le traitement des données.

 

(*) Les MEMS peuvent être utilisés en tant qu'accéléromètre, par exemple pour détecter les chocs dans les voitures, pour changer l'orientation de l'écran dans les smartphones ou pour permettre de mesurer le mouvement des mains qui tiennent les manettes de jeu.

 

29 PROJETS INNOVANTS POUR LA GESTION DES DÉCHETS RADIOACTIFS

L’appel à projets lancé par l’Andra et l’ANR dans le cadre du programme Investissements d’avenir a pour but de faire émerger des solutions innovantes pour optimiser, en amont du stockage, la gestion des déchets radioactifs, en particulier ceux issus du démantèlement des installations nucléaires. 29 projets sont soutenus dans ce cadre. Ils portent sur quatre thématiques : la caractérisation des déchets, leur tri et traitement, les nouveaux matériaux de conditionnement, et enfin un volet sciences sociales sur l’innovation et la société.

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