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Projet MATRICE : des bétons innovants pour le stockage des déchets les plus radioactifs

Soutenu par l’Andra dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir et sélectionné dans le cadre d’un appel à projets avec l’ANR, MATRICE vise à diminuer significativement la quantité d’hydrogène produite par le béton contenu dans les colis de déchets radioactifs de moyenne activité à vie longue (MA-VL) destinés à être stockés dans Cigéo. Pour cela, les partenaires du projet ont testé plus d’une centaine de formules… de béton.

Fût métallique de 200 L, utilisé entre autre, pour le conditionnement de déchets cimentés.

Au moment de leur conditionnement sous forme de colis, certains déchets radioactifs de moyenne activité à vie longue (MA-VL) sont mélangés ou enrobés dans du béton. Le béton sert ainsi de liant lorsque les déchets se présentent sous forme de poudres ou de boues. C’est une technique qui permet, par ailleurs, de combler les vides lorsque les déchets ont des formes variées (pièces métalliques diverses telles que tubes ou poutres…). Ce mode de conditionnement garantit la stabilité des colis dans le temps et facilite leur manutention. Mais l’eau, présente naturellement dans la « matrice cimentaire », base du béton, peut se transformer en hydrogène lorsqu’elle est exposée aux rayonnements émis par les déchets, c’est l’une des conséquences principales de ce qu’on appelle la « radiolyse de l’eau ».

 

Moins d’eau dans les colis aide à en réduire le volume

Or, à partir d’une certaine concentration dans une atmosphère contenant de l’oxygène, cet hydrogène peut présenter un risque d’explosion sous l’effet d’éléments déclencheurs (ultrasons, électricité statique, choc, étincelle...). Pour prévenir ce risque, l’Andra prévoit plusieurs dispositifs dans Cigéo, le projet de stockage géologique profond destiné à accueillir entre autres les déchets MA-VL. Tout d’abord, l’Andra fixe un seuil maximum de teneur en hydrogène produit par les colis qu’elle prend en charge, que les producteurs doivent respecter. La ventilation des alvéoles au cours de l’exploitation du stockage permettra de limiter la concentration d'hydrogène et son accumulation. De nombreux systèmes de surveillance vérifieront que l’on reste significativement en dessous des seuils à partir desquels l’hydrogène pourrait poser un problème de sécurité.

Test du procédé de vibro-compaction

Le cimentier Vicat, le CEA et l’entreprise Léon Grosse se sont associés autour du projet MATRICE afin de concevoir des formulations de bétons minimisant la quantité d’hydrogène produit par radiolyse dans les colis de déchets. L’objectif est double : il s’agit de limiter la production potentielle d’hydrogène par colis, tout en offrant la possibilité d’incorporer plus de déchets dans chaque colis, sans atteindre les seuils de production spécifiés. Un double bénéfice important pour l’Andra et les producteurs, comme l’explique Xavier Bourbon, expert matériaux cimentaires à l’Andra, qui assure l’interface avec les différents intervenants du projet : « Le stockage géologique profond est une ressource rare. Grâce à ce type de béton, on pourrait diminuer le nombre de colis en stockant autant de déchets, donc utilisant un volume moins important. MATRICE participe ainsi d’une gestion responsable des déchets. »

Depuis mai 2016, date de démarrage du projet, les trois partenaires étudient plusieurs pistes. La première consiste à réduire la quantité d’eau dans le béton préparé, tout en préservant ses propriétés mécaniques (solidité, résistance à la compression, élasticité…). Mais dans ce cas, il est forcément moins fluide et se pose la question du remplissage des colis avec un tel matériau. Dans le cas des déchets homogènes, intimement mélangés avec le liant hydraulique, un procédé de compactage, en soumettant le ciment à des vibrations, a été testé. Une autre piste, étudiée pour les déchets hétérogènes, consiste à introduire des additifs chimiques dans le béton, qui en augmentent par exemple la plasticité, et diminuent ainsi sa teneur en eau. Enfin, d’autres solutions techniques, faisant appel à des liants de nature totalement différente, ont été testées : ciments sulfo-alumineux et phospho-magnésiens. Ces deux types de ciments permettent, en effet, de limiter la quantité totale d’eau introduite pour les préparations et donc à terme la quantité d’eau disponible pour la radiolyse.

 

Résultat du test du procédé de vibro-compaction

Choisir la bonne formulation

En presque quatre ans, une centaine de formulations de bétons ont déjà été testées. Seules quelques-unes sont aujourd’hui retenues, comme l’explique Xavier Bourbon : « Les formulations de bétons sélectionnées sont celles qui diminuent de manière significative la production d’hydrogène. Des tests ont été réalisés dans un laboratoire du CEA, où les échantillons ont été irradiés afin d’évaluer les quantités d’hydrogène produites. Ces bétons innovants doivent aussi répondre à des critères de performances mécaniques afin de garantir la sûreté des colis, en particulier au cours des opérations de manutention. Il faut par ailleurs s’assurer que les matières premières utilisées pour la fabrication de ces bétons sont disponibles à grande échelle et que le procédé utilisé est industrialisable. »

Autant d’éléments que doit prendre en compte l’entreprise Léon Grosse, porteuse du projet MATRICE : « Notre rôle est d’utiliser les formulations de bétons développées par le CEA et le cimentier Vicat afin d’en assurer la mise en œuvre, c’est-à-dire d’être capable de passer de l’échelle de l’échantillon à celle d’un colis réel de 200 litres, explique Guillaume Lobel, coordinateur du projet, chez Leon Grosse. Augmenter la quantité de béton à produire nécessite d’apporter des ajustements à la formule de base. »

Ces bétons innovants présentent un intérêt autant pour les producteurs, qui assurent l’entreposage des déchets radioactifs, que pour l’Andra qui les prend en charge pour le stockage. Mais d’autres applications pourraient voir le jour, notamment dans le domaine de la construction, avec cette fois-ci un enjeu environnemental : la fabrication de ces bétons produit moins de CO2 que ceux habituellement utilisés.

 

 

28 projets innovants pour la gestion des déchets de démantèlement

MATRICE est l’un des 28 lauréats de l’appel à projets innovants lancé par l’Andra pour l’optimisation de la gestion des déchets radioactifs issus du démantèlement des installations nucléaires, en coopération avec l’Agence nationale de la recherche (ANR), et dans le cadre du Programme d’investissements d’avenir.

Présentation de MATRICE en vidéo Fiche projet de MATRICE