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Projet SURFIN : la fibre optique pour mesurer la dose de rayonnements ionisants

En implantant dans de la fibre optique de nouveaux matériaux constitués d’éléments sensibles aux rayonnements, le projet SURFIN devrait faciliter la surveillance des installations de stockage de déchets radioactifs et des opérations de démantèlement d’installations nucléaires.

Dans le cadre de l’exploitation d’une installation nucléaire, par exemple un stockage de déchets radioactifs, ou un chantier de démantèlement d’installations nucléaires, la mesure de l’activité radiologique est une donnée de surveillance importante pour garantir la sécurité des opérateurs avant toute intervention. Afin de limiter leur exposition, il est notamment nécessaire de disposer, avec le niveau de précision adapté, d’une cartographie du débit de dose (dose par unité de temps), autrement dit de la quantité de rayonnements ionisants (rayons X, γ [gamma] et/ou neutrons), dans les lieux d’intervention : cette mesure est appelée « dosimétrie ».

Afin d’effectuer cette mesure, il existe une technologie qui allie performance et durabilité : la fibre optique à base de silice. Elle présente plusieurs avantages par rapport aux systèmes classiques de dosimétrie : elle est souple, de petite dimension et permet de réaliser des mesures sur de grandes distances sans être gênés par des perturbations électromagnétiques.

Des fibres sensibles en matériaux organiques existent déjà, mais elles se détériorent lorsqu’elles sont soumises aux radiations. La silice est un matériau inorganique intrinsèquement beaucoup plus résistant aux fortes radiations. Cependant, la silice pure ne réagit pas optiquement à la radioactivité. Pour pallier cela, des éléments (ions*) émettant de la lumière sous irradiation peuvent être intégrés à l’intérieur des fibres optiques, mais il est généralement difficile de le faire en grande quantité. Cela explique pourquoi la technologie est à ce jour peu déployée pour effectuer la dosimétrie des rayonnements ionisants.

(*) Un ion est un atome ayant perdu ou gagné un ou plusieurs électrons

« Doper » la fibre optique

Coupe d'une fibre optique.
- en blanc : le cœur en silice dopée
- en marron : la gaine en polymère (de bas indice optique) pour le guidage de la lumière
- en orange : l'enveloppe polymère de renfort mécanique pour protéger la fibre

Comment améliorer les performances de la fibre optique en la rendant à la fois plus résistante aux radiations et capable de mesurer les doses de rayonnements ? La solution proposée dans le cadre du projet SURFIN (nouveaux matériaux pour la SURveillance par Fibre optique des Installations Nucléaires) consiste à « doper » la fibre optique. « Pour cela, il faut d’abord identifier les espèces dopantes sensibles au rayonnement et qui préservent les propriétés optiques de la silice (faible atténuation). Puis, il s’agit d’introduire cette silice dopée au cœur de la fibre, laquelle servira de sonde pour la dosimétrie des rayonnements ionisants, explique Bruno Capoen, professeur de physique au Laboratoire de physique des lasers, atomes et molécules (PhLAM) de l’université de Lille et coordinateur du projet SURFIN. Pour doper la fibre et la rendre luminescente, nous avons donc introduit dans la silice pure des ions Ce3+ (cérium), avec éventuellement des ions Tb3+ (terbium), ou bien simplement de l’oxyde de germanium. Les propriétés spectroscopiques et dosimétriques des barreaux de verre, puis des fibres étirées, sont ensuite évaluées sous rayonnement ionisant. »

La fibre optique réalisée dans le cadre du projet SURFIN doit également être capable de mesurer tous les niveaux de débit de dose de rayonnement et les chercheurs ont voulu par ailleurs tester la possibilité d’une dosimétrie répartie tout au long de la fibre. L’équipe a donc soumis plusieurs fibres dopées à des débits de dose de rayonnement très faibles, pour en tester la sensibilité, puis à des doses cumulées élevées, équivalentes par exemple aux doses relatives aux déchets de haute activité, au sein d’un alvéole de stockage, sur plusieurs années.

Enfin, le dernier objectif de SURFIN est d’avoir des éléments de comparaison sur la sensibilité des fibres dopées aux différents rayonnements électromagnétiques. « Nous avons réalisé des dosimétries sous rayonnements X et γ en utilisant différentes longueurs de fibre dopée, complète Bruno Capoen. Le projet SURFIN porte sur l’analyse des matériaux ; il implique une bonne compréhension des phénomènes, notamment la façon dont les ions dopants réagissent ».

Procédé de fabrication

De nombreuses applications dans la santé et l’industrie

Fin septembre 2022, l’équipe en charge du projet livrera plusieurs rapports sur les propriétés des matériaux testés, en particulier leurs propriétés de dosimétrie en milieu hautement ionisant, en indiquant les meilleurs matériaux et les meilleures structures de fibres optiques pour mesurer les débits de doses de rayonnement. 

Le projet SURFIN, soutenu par le programme Investissements d’avenir, est coordonné par le Laboratoire PhLAM de Lille, qui est aussi en charge de la fabrication des matériaux et des fibres. L’Institut de chimie de Clermont-Ferrand a assuré une partie des mesures spectroscopiques pour estimer la capacité d’un matériau à répondre au rayonnement ionisant. L’Institut de physique de Nice a réalisé les études en thermoluminescence et en dosimétrie X. Enfin, le laboratoire Hubert Curien, à Saint-Étienne, a également effectué des mesures dosimétriques sous X et γ, ainsi que des caractérisations par photoluminescence. 

Au-delà de la surveillance à distance des rayonnements au sein d’installations nucléaires, les performances offertes par ces fibres dopées ouvrent des perspectives dans le domaine spatial (à bord des vaisseaux et satellites, où une dosimétrie est partout nécessaire afin de protéger l’équipage et les équipements électroniques des rayonnements) ou encore dans le domaine médical (en radiothérapie par exemple).

 

29 projets innovants pour la gestion des déchets radioactifs

L’appel à projets lancé par l’Andra et l’ANR dans le cadre du programme Investissements d’avenir a pour but de faire émerger des solutions innovantes pour optimiser, en amont du stockage, la gestion des déchets radioactifs, en particulier ceux issus du démantèlement des installations nucléaires. 29 projets sont soutenus dans ce cadre. Ils portent sur quatre thématiques : la caractérisation des déchets, leur tri et traitement, les nouveaux matériaux de conditionnement, et enfin un volet sciences sociales sur l’innovation et la société.

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