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SeisCom, géophoniquement vôtre !

Début décembre, un nouveau dispositif permettant d’échanger des données entre le fond et la surface a été testé au Laboratoire souterrain : SeisCom. Il permet de transférer tous types de données vers la surface… Grâce aux vibrations. Les explications.

En galerie, à environ 500 mètres de profondeur, les vibrations se font sentir. Les responsables ? 2 piliers vibratoires, l’un fixé au radier, l’autre placé dans l’un des 3 forages creusés en paroi de galerie pour l’occasion en octobre. 

« Leur principe est basé sur l’effet piézoélectrique qui est lié à la propriété qu’ont certains matériaux de générer une charge électrique en réponse à une contrainte mécanique appliquée (comme votre allume gaz). Cela fonctionne également dans l'autre sens ! L'application d'un champ électrique induit une déformation mécanique dans le matériau : c’est exactement ce qu’on fait ici » nous explique Julien Cotton, chef de service au sein du département performance des stockages, digital et chaîne de données. 

« Chaque pilier est tout simplement constitué d’un empilement d’anneaux de céramique ; lorsqu’on les soumet à un courant électrique, ils se dilatent et vibrent ». Les ondes se propagent ensuite vers la surface depuis le radier ou l’un des forages poursuit Julien.

Les 3 forages permettent de tester différentes orientations de la source, afin d’évaluer la meilleure disposition pour une bonne propagation des ondes vers la surface. Pendant plusieurs jours, les équipes de l’Andra et de Smart Seismic Solutions (S3) ont ainsi émis des vibrations reproduisant différentes données et même… de la musique ! Au programme : le générique de James Bond ou encore « Under pressure » du groupe Queen et David Bowie, tout un programme. A terme, on pourrait ainsi transmettre des données de surveillance, des images, voire des vidéos du Laboratoire souterrain vers la surface. 

Ces piliers vibratoires présentent l’avantage d’être relativement mobiles, n’ont pas besoin de maintenance (il n’y a pas de mécanisme à l’intérieur des piliers, et donc pas d’usure de pièces), tout en ayant une faible consommation électrique. « Nous avons même fait un test sur batterie, et ça fonctionne » précise les équipes de Smart Seismic Solutions (S3) qui ont développé cet équipement.

Décodage en surface

A 490 mètres au-dessus de la galerie, c’est une autre équipe qui prend le relais : une installation de 22 géophones placés en cercle dans le verger du CMHM (à proximité du bassin d’orage) et 27 géophones placés cette fois en ligne, mesurant la continuité des signaux. 3 groupes de 3 géophones sont également placés en périphérie du dispositif principal afin d’effectuer des comparaisons. 

L’un des enjeux consiste à isoler les ondes émises depuis le Laboratoire, car les géophones sont très sensibles et captent de nombreuses autres vibrations du fond et de la surface : circulation de véhicules, ventilation, pas du personnel en surface, etc… 

« L’autre enjeu est également de développer un langage propre à chaque donnée » explique Renaud Fallourd, coordinateur du programme de R&D sur la chaîne de données et pilote du projet SeisCom.

Le design de surface au Centre de Meuse/Haute-Marne

« Une première au Labo, une première en France, voire une première mondiale »

Un test suivi de très près…

« Avec cette technologie utilisant des ondes sismiques, c’est une première au Labo, une première en France, voire une première mondiale » s’enthousiasme Julien Cotton. Une nouveauté qui attire, 2 laboratoires de l’Ecole des Mines de Paris suivent cette expérimentation de près avec l’Agence : le Laboratoire de Géosciences (spécialisé dans la propagation des ondes et les méthodes géophysiques) et le Centre de Morphologie Mathématique (doté de l’expertise nécessaire au traitement du signal à l’encodage/décodage de données). 

Christina Akleh, doctorante de l’appel à projets de thèses Andra 2023 préparée à Mines Paris ambitionne de poursuivre les travaux scientifiques d’optimisation qui sont encore nécessaires à l’exploitation de toute la bande passante. Cela passe notamment par la modélisation de la propagation des ondes et le codage/décodage de l’information (compress sensing).

L'un des 3 forages en galerie

… et des premiers résultats

« Il s’agit de résultats préliminaires, mais on arrive déjà très clairement à identifier les signaux élémentaires émis au fond par les sources » nous explique Hervé Chauris, professeur en géosciences à Mines Paris, venu au CMHM pour les tests de SeisCom. « L’idée de ces premiers tests est de déterminer la réponse fréquentielle du milieu. On voit avec ces premiers résultats que cela fonctionne ! Il reste tout un modèle à construire pour traduire ces données en informations et optimiser la télécommunication » précise-t-il. 

Mais alors comment traduire une vibration en musique, en photo ou en vidéo ? « Pour une musique on pourrait avoir un résultat sous forme d’une partition, pour une image les valeurs d’intensité de couleur (pour le rouge, le vert et le bleu) par pixels… Et pour des données plus simples comme une température, on pourrait imaginer une fréquence correspondant tout simplement à chaque valeur de température : par exemple 63 hertz pour 21 °C, puis 64 hertz pour 22 °C etc… ». Dès lors que l’on est au-dessus du niveau de bruit ambiant, comme l’a démontré ce premier test : tout est possible !

Et pour Cigéo ?

Pour répondre aux besoins de surveillance de Cigéo, le centre de stockage profond, l'Andra mène différentes études de R&D pour développer, adapter et/ou qualifier un panel de solutions technologiques dédié à la surveillance des différents composants du stockage et de leur domaine de fonctionnement. 

« Cela reste moins rapide que de la fibre optique mais la Transmission Sans Fil (TSF) a quand même de sérieux atouts complémentaires au filaire en environnement souterrain complexe. Ça permet de relier des zones distantes et/ou isolées physiquement tout en contournant les contraintes opérationnelles liées aux câbles (déploiement, encombrement…) », explique Julien Cotton. 

« Ce premier test piloté par Renaud a atteint l’objectif de transmission de signaux élémentaires entre le fond et la surface. Ça nous ouvre la voie à un nouveau moyen de télécommunication entre les installations fond et la surface. On est tous très impatients de voir (où plutôt d’entendre) la suite mais on est confiant sur le plan technique », conclut Julien.

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