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Un autre regard sur la gestion des déchets très faiblement radioactifs

Les déchets radioactifs sont un sujet d’étude pour les géographes, les sociologues et même les anthropologues. Dans le cadre du projet de recherche METROPOLITIN, les sciences humaines et sociales s’interrogent sur la façon dont les déchets de très faible activité sont définis, décrits et discutés. Une approche originale qui apporte un regard neuf sur la gestion de ces déchets.

Stockage de déchets TFA au Cires

Le démantèlement d’une installation nucléaire génère des volumes relativement importants de déchets de très faible activité (TFA). Essentiellement composés de gravats, de terres et de ferrailles, ces déchets sont aujourd’hui stockés au Centre industriel d’entreposage et de regroupement (Cires) de l'Andra dans l’Aube. Selon l’Inventaire national des matières et déchets radioactifs, entre 2,1 et 2,3 millions de mètres cubes de déchets TFA auront été produits une fois l’ensemble des opérations de démantèlement du parc nucléaire français achevées. Au regard de ces volumes, le Cires ne sera pas en capacité de stocker l’intégralité de ces déchets. Différentes solutions complémentaires sont donc envisagées : augmentation des capacités de stockage existantes, création d’un nouveau centre et exploration de modes de gestion complémentaires, comme le recyclage de certains déchets.

 

Le rôle clé de l’information

Information du public au Cires

Les projets retenus dans le cadre de l’appel à projets innovants (voir encadré) proposent des solutions innovantes pour répondre à cette problématique de gestion des déchets TFA issus des démantèlements. Parmi ces projets, METROPOLITIN(1) aborde la question sous un angle nouveau : l’information. « L’information est partout et elle remplit de nombreuses fonctions, explique Romain Garcier, géographe et coordinateur du projet à l’ENS de Lyon (voir encadré). Derrière par exemple la mesure d’un niveau de dangerosité qui va définir le classement d’un déchet, il y a eu des discussions entre experts, des conventions, une loi, une réglementation, des débats, puis des procédures de prise en charge… tout cela passe par les mots. C’est ce matériau que nous analysons afin de mieux comprendre les choix de gestion qui ont été faits et seront faits sur ces déchets TFA. »

Les chercheurs du projet METROPOLITIN suivent donc les informations sur les déchets radioactifs de très faible activité à la trace. Une partie du travail repose ainsi sur l’analyse des cahiers de procédures et des textes de loi, mais aussi des articles de presse afin de comprendre comment le démantèlement des installations nucléaires et la gestion de déchets sont présentés au grand public.

 

150 entretiens en trois ans

Démantèlement du réacteur Siloé sur le centre CEA de Grenoble

En complément, de nombreux entretiens sont également menés avec celles et ceux qui sont concernés par ces déchets : les techniciens et gestionnaires qui travaillent sur les installations en cours de démantèlement, ceux qui transportent et reçoivent les déchets, les associations environnementales, les autorités de sûreté… « Nous nous attachons à comprendre concrètement comment l’information est produite, utilisée, interprétée, au-delà par exemple des procédures écrites », précise Romain Garcier. Au total, en trois ans, plus de cent cinquante entretiens seront menés en France, mais également dans d’autres pays qui ont organisé différemment la gestion des déchets de très faible activité comme l’Allemagne, l’Italie, le Royaume-Uni et la Suède. « Sur ces territoires et contrairement à la France, la règlementation prévoit un seuil de libération, c’est-à-dire qu’en dessous d’un certain niveau de radioactivité, un matériau issu d’une zone nucléaire peut être géré et éliminé comme un déchet conventionnel, alors qu’il serait considéré comme un déchet radioactif en France, complète Romain Garcier. Cela permet de limiter, dans ces pays, le volume des déchets TFA mais n’est pas parfois sans créer des controverses sur la libération et l’utilisation de ces matériaux. »

Enfin, les chercheurs impliqués dans le projet METROPOLITIN s’intéressent à un autre type de déchets, les mâchefers. « Issus de l’industrie sidérurgique puis plus récemment de l’incinération des déchets ménagers, les mâchefers, longtemps réutilisés dans le BTP ou comme remblai, présentent des analogies intéressantes avec les déchets de très faible activité de par leur volume et leur nature, précise Romain Garcier. La façon de les décrire, les règlementations, les pratiques de gestion ainsi que les débats que ces derniers ont suscités ont évolué au cours des années. Typiquement, la valorisation des mâchefers a toujours été pratiquée mais tend à se réduire progressivement, du fait notamment de leur impact environnemental. L’analyse des évolutions de gestion de ces déchets apportera ainsi une perspective historique à nos analyses. »

En détaillant les circuits de l’information sur les déchets radioactifs de très faible activité, METROPOLITIN fournira des clés essentielles pour faire évoluer leur gestion.

 

 

Les partenaires du projet

  • Coordinateur : Ecole normale supérieure de Lyon – laboratoire Environnement, Ville, Société (UMR5600 CNRS)
  • Partenaires : Laboratoire méditerranéen de sociologie (UMR 7305 CNRS) ; Laboratoire histoire des technosciences en société (Conservatoire national des arts et métiers, Paris) ; Laboratoire de physique de Clermont (UMR 6533 CNRS).
  • Organismes associés au projet (cas d’études) : Commissariat à l’énergie atomique (Cadarache), Université d’Exeter (Grande-Bretagne), Université de Turin (Italie)

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29 projets innovants pour la gestion des déchets de démantèlement

L’appel à projets lancé par l’Andra et l’ANR avec le soutien du Programme d’investissements d’avenir a pour but de faire émerger des solutions innovantes pour optimiser, en amont du stockage, la gestion des déchets radioactifs issus du démantèlement des installations nucléaires. 29 projets sont soutenus dans ce cadre. Ils portent sur quatre thématiques : la caractérisation des déchets, leur tri et traitement, les nouveaux matériaux de conditionnement, et enfin un volet sciences sociales sur l’innovation et la société.