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Une approche cohérente et proportionnée sur le long terme

Face aux problématiques émergentes relatives aux importants volumes à venir de déchets de démantèlement ou à l’hétérogénéité des déchets FA-VL, l’Andra doit mobiliser son expertise pour contribuer à la cohérence de l’ensemble des solutions de gestion des déchets radioactifs et rechercher des moyens proportionnés au regard de leur dangerosité.

Aujourd’hui, les déchets radioactifs sont classés en plusieurs catégories en fonction de deux principaux critères : le niveau de radioactivité et la période radioactive des principaux radionucléides qu’ils contiennent. « Chacune des catégories de déchets doit être associée à une solution de gestion adaptée qui s’inscrit dans une stratégie d’ensemble cohérente en matière de sûreté et de protection de l’environnement », explique Jean-Michel Hoorelbeke, directeur adjoint sûreté, environnement et stratégie filières de l’Agence.

On trouve ainsi, d’un côté, les déchets de très faible activité (TFA) et de faible et moyenne activité à vie courte (FMA-VC), stockés en surface dans les centres industriels de l’Andra dans l’Aube, et, de l’autre, les déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) et de haute activité (HA), destinés à Cigéo. Entre les deux, une catégorie de déchets, qualifiés de faible activité à vie longue (FA-VL), interpelle et alimente la réflexion sur sa stratégie de gestion. « Ces déchets ont pour point commun de présenter des caractéristiques radiologiques intermédiaires, mais avec des propriétés parfois contrastées du point de vue de leur contenu chimique, de la toxicité des radionucléides etc. C’est le cas par exemple des déchets radifères et de graphite », poursuit Jean-Michel Hoorelbeke.

Les déchets TFA se caractérisent également par leur diversité. Certains d’entre eux ne présentent aucun enjeu de radioprotection. Une situation qui nécessite de réfléchir aux possibilités d’élargir la palette de solutions de gestion des déchets catégorisés comme TFA, alors même que les démantèlements à venir vont générer d’importants volumes.

 

Des solutions proportionnées

Dans le cadre d’une stratégie à long terme, il faut adapter les solutions de gestion à la dangerosité de chaque type de déchets, en assurant un niveau de sûreté optimal. « Dans une approche proportionnée, la dangerosité des déchets détermine les besoins de confinement – pour prévenir ou contrôler la libération de substances qu’ils contiennent et leur dispersion dans l’environnement – et d’isolement – pour en rendre difficile l’accès aux hommes et les mettre à l’écart de phénomènes naturels d’altération atmosphérique ou d’érosion », explique Jean-Michel Hoorelbeke.

D’une manière générale, le concepteur d’un stockage dispose de différents leviers techniques pour s’adapter aux besoins de confinement et d’isolement : le site géologique (perméabilité, etc.), la profondeur du stockage (depuis la surface jusqu’au stockage profond), les ouvrages de stockage (mode de réalisation et matériaux constitutifs, architecture d’ensemble, etc.) ainsi que les propriétés physico-chimiques et le conditionnement des déchets.

 

Des solutions en amont du stockage

La recherche de solutions de gestion proportionnées des déchets radioactifs requiert une approche globale, c’est-à-dire intégrant le stockage, mais également toutes les étapes en amont.

« Une fois les déchets produits, il existe plusieurs leviers d’action avant d’en arriver au stockage, comme le tri et le traitement. Le tri permet d’identifier, au sein d’un ensemble de déchets, des familles qui pourraient relever de modes de gestion différents. Cela faciliterait par exemple la réutilisation, le recyclage ou la valorisation d’une partie d’entre eux en fonction de leur dangerosité et cela limiterait ainsi le recours au stockage pour la seule part de déchets pour laquelle il n’existe aucune solution technique alternative. Quant au traitement, il peut permettre de réduire le volume des déchets ou d’en modifier la forme physico-chimique afin de les rendre plus inertes, diminuant de fait leur dangerosité et favorisant ainsi leur stockage », détaille Jean-Michel Hoorelbeke.

 

Une réflexion sur la dangerosité des déchets

Afin de consolider une approche de gestion proportionnée, l’Andra doit analyser la dangerosité des différents types de déchets. Elle a donc entamé une réflexion qui porte non seulement sur les risques radiologiques (niveau d’activité, type de rayonnement, mobilité des radionucléides, etc.), mais aussi sur les risques non radiologiques (explosif, inflammable, irritant, toxique, etc.)(1). Certains radionucléides, et particulièrement l’uranium, présentent, par exemple, une toxicité à la fois radiologique et chimique.

Mais comment « comparer » ces risques ? « Cela va supposer de réfléchir à une correspondance entre les deux, et donc de se référer à leurs effets sanitaires et environnementaux respectifs », répond Jean-Michel Hoorelbeke. Une chose est sûre : compte tenu des compétences nécessaires, une telle démarche de réflexion impliquera des interactions entre différents acteurs du nucléaire mais aussi de la gestion des déchets conventionnels et, plus généralement, de la protection de l’environnement.

 

(1) L’IRSN est chargé par le PNGMDR d’une étude sur la méthodologie et les critères envisageables pour apprécier la nocivité des matières et des déchets radioactifs. Dans ce cadre, plusieurs réunions d’échange sont organisées avec l’Andra.

 

 

L'assainissement des sites pollués : un exemple de gestion proportionnée

Faute d’un responsable identifié qui assumerait le principe du pollueur-payeur, l’Andra a pour mission de réhabiliter les sites abandonnés, pollués par la radioactivité (anciennes industries du radium, etc.). Mais retirer toute la pollution radioactive n’est pas systématiquement la solution la plus adaptée. « L’expérience a montré que revenir à un niveau de radioactivité naturel est le plus souvent inatteignable, même en dépensant l’argent public bien au-delà des estimations initiales », souligne Éric Lanes, expert des sites pollués par la radioactivité à l’Andra.

Les dernières traces de pollution sont les plus difficiles et les plus coûteuses à retirer (alors qu’elles ne présentent qu’un risque faible), réduisant d’autant les ressources à consacrer à d’autres situations plus problématiques. Mieux vaut parfois laisser subsister un faible niveau résiduel de pollution et en maîtriser l’impact par d’autres dispositions (barrières, restrictions d’usage).

Les choix en matière de dépollution sont donc effectués en fonction de toute une série de critères, notamment l’usage futur qui sera fait du site assaini. Et des précautions supplémentaires adaptées sont prises, si besoin, à travers par exemple le dispositif réglementaire (servitudes, plan local d’urbanisme). « Ces choix ont le mérite d’être cohérents, proportionnés au risque, et surtout réalisables », conclut Éric Lanes.

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Déchets TFA issus de démantèlement : une réponse proportionnée au risque

Les déchets de très faible activité (TFA) dont le stockage est assuré au Centre industriel de regroupement, d’entreposage et de stockage (Cires) sont au cœur d’un paradoxe : à l’issue du démantèlement de l’ensemble du parc nucléaire français, ils représenteront 50 % du volume de déchets radioactifs à stocker. Pourtant, entre 30 et 50 % des colis de déchets TFA ne présentent aucun enjeu de radioprotection et pourraient être qualifiés de très très faible activité (TTFA).

Le volume non négligeable de déchets TFA issus de démantèlement qui sera à gérer dans les années à venir pose une question fondamentale : le stockage systématique au Cires est-il la meilleure solution ? « Des solutions nouvelles, plus cohérentes et proportionnées au risque, permettraient d’économiser les ressources de stockage du Cires, qui ne seraient alors mobilisées que pour les déchets qui le nécessitent vraiment, répond Michel Dutzer, directeur adjoint développement et innovation de l’Andra. Pour les déchets de très très faible activité, il serait envisageable de développer des concepts de stockage simplifiés et adaptés, implantés sur les sites en démantèlement ou à leur voisinage. »

Parmi les bénéfices possibles : la réduction des transports (le Cires reçoit actuellement environ 1 800 convois routiers par an) ou l’optimisation des capacités de stockage du Cires. En parallèle, l’Andra encourage l’émergence d’autres solutions innovantes, en amont du stockage, via des appels à projets, et engage une réflexion sur les pistes alternatives ou complémentaires au stockage. Au rang des solutions étudiées : la réutilisation et/ou le recyclage des métaux et gravats issus du démantèlement.