Collecte d’objets radioactifs chez la petite fille de Marie Curie
Ce n’est pas tous les jours que les équipes de l’Andra sont amenées à intervenir dans des lieux aussi chargés d’histoire que la demeure d’une descendante de Marie Curie. Pour la récupération d’objets radioactifs, l’Agence bénéficie en revanche d’une grande expérience. C’est même une mission de service public qu’elle assure depuis de nombreuses années auprès des particuliers.
Hélène Langevin-Joliot vit depuis les années 1960 dans la demeure de ses parents Frédéric et Irène Joliot-Curie, prix Nobel de chimie en 1935 pour la découverte de la radioactivité artificielle. Outre la maison, de nombreux meubles, objets, tableaux qui l’entourent rappellent leur mémoire. Certains ont d’ailleurs appartenu à ses grands-parents, Marie et Pierre Curie. Parmi tous ces souvenirs, quelques objets, dont un meuble, ont été récemment envoyés au Centre industriel de regroupement, d'entreposage et de stockage (Cires) de l’Andra dans l’Aube. Car ils sont radioactifs.
« Je savais que mon père, à la fin de sa vie, avait installé à la maison une sorte de petit “laboratoire” pour effectuer quelques mesures de radioactivité, et donc que certains objets, dont un étalon, devaient être radioactifs. Plus tard, un contrôle plus général fit apparaître qu’une armoire-bibliothèque ayant appartenu à Marie Curie était clairement contaminée. Il y avait à l’intérieur des cartes routières dans un tiroir, et de nombreux livres ajoutés depuis. Dans ces années-là, on ne se posait pas de questions pour conserver ou déplacer des objets n’ayant que des quantités de radioactivité relativement faibles. »
Ce n’est évidemment plus le cas aujourd’hui. Même si elle a « passé les 92 ans », comme elle le rappelle, Hélène Langevin-Joliot a trouvé « raisonnable, à partir du moment où on savait qu’il y avait de la radioactivité, de faire ce qu’il fallait pour éliminer les objets porteurs de cette radioactivité. »
Le 26 février dernier et pendant 8 jours, une équipe sous-traitante de l’Andra a donc aménagé la pièce où se trouvait l’armoire, pour caractériser, expertiser et conditionner son contenu radioactif, ainsi que celui des autres objets concernés. Une opération rare, pensez-vous ? Pas exactement. Car entre les années 1920 et les années 1960, le radium a servi à soigner et a été introduit dans des biens de consommation grand public, avant qu’on ne mette à jour son potentiel nocif. Des objets qu’on peut parfois retrouver aujourd’hui chez les particuliers.
Mesures, masques et hommes en blanc
Aujourd’hui, en moyenne, l’Andra récupère chaque année environ 100 objets radioactifs, contenant principalement du radium. Mais tous ne sont pas pris en charge de la même façon. « Le plus souvent, il s’agit de biens dont on connaît l’activité comme des fontaines au radium. Il nous suffit alors d’envoyer notre transporteur spécialisé », explique Nicolas Benoit, chef de projet Assainissement à l’Andra. « Mais de temps en temps, comme cela a été le cas chez Hélène Langevin-Joliot, on a des demandes pour des objets qui ne sont pas connus, dont on doute du niveau de radioactivité ou qui sont massifs, comme cette armoire », poursuit-il.
L’opération prend alors plus d’ampleur. Elle débute par une phase de repérage, pour chiffrer le conditionnement, la caractérisation et l’enlèvement, et préparer au mieux l’intervention en termes de radioprotection. Une fois cette étape réalisée et le dossier validé par la Commission nationale des aides dans le domaine radioactif (CNAR), la deuxième phase peut commencer.
« Et ce n’est pas une mince affaire », confirme Hélène Langevin-Joliot. Dans son cas, les experts ont dû monter un sas dans la pièce, les dimensions de l’armoire contaminée rendant sa manipulation délicate. Vêtus de combinaisons blanches et de masques, ils ont caractérisé chaque objet, conditionné ceux qui présentaient une activité radioactive et découpé l’armoire, le tout sous une tente de vinyle, avant de nettoyer et de tout démonter.
« Ces objets qui entrent dans la catégorie FA-VL, pour faible activité à vie longue, seront entreposés dans le bâtiment de l’Andra prévu à cet effet au Cires, sous surveillance, dans l’attente d’une solution de stockage adaptée. Quant aux déchets induits (morceaux de bois, tenues en papiers ou gants des opérateurs…), dits TFA, pour très faible activité, ils seront stockés dans des alvéoles de stockage au Cires », détaille Nicolas Benoit.