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La gestion des déchets radioactifs monte en puissance au Royaume-Uni

Pionnier dans l’utilisation de l’énergie nucléaire pour la production d’électricité, le Royaume-Uni est également l’un des précurseurs dans le stockage de déchets radioactifs en surface. Le pays mène aujourd’hui une large réflexion sur le stockage géologique de ses déchets les plus radioactifs.

Photo d'archive du site nucléaire de Sellafield.

Le saviez-vous ? C’est sur le site de Sellafield, au nord-ouest de l’Angleterre, qu’a été mise en service la première centrale nucléaire de production d’électricité au monde en 1956. Plus de soixante ans plus tard, le Royaume-Uni compte neuf réacteurs nucléaires en exploitation, produisant environ 15 % de l’électricité britannique.

Une production diversifiée de déchets radioactifs

Alors que deux nouveaux réacteurs de type EPR (European Pressurized Reactor) sont en construction sur le site de la centrale d’Hinkley Point, le gouvernement britannique a annoncé en 2022 l’expansion significative de l’énergie nucléaire dans son mix énergétique d’ici à 2050, avec une ambition de fournir environ 25 % de l’électricité du pays.

Comme c’est le cas aujourd’hui en France, le Royaume-Uni a retraité le combustible usé de réacteurs nucléaires de type Magnox(1) dans une usine dédiée sur le site de Sellafield, de 1964 à 2022. Après la Seconde Guerre mondiale, le pays a également construit diverses installations nucléaires liées à la recherche et à la défense. Sur tout le territoire, ce sont ainsi 17 sites qui constituent la principale source de déchets radioactifs.

(1) Magnox : type de réacteur nucléaire à l’uranium métallique (non enrichi) modéré au graphite et refroidi au gaz carbonique. Tous les réacteurs de ce type sont aujourd’hui arrêtés au Royaume-Uni.

Quelle gestion pour les déchets radioactifs ?

Selon la législation britannique, les déchets radioactifs se répartissent en trois catégories : haute activité (high level waste – HLW), moyenne activité (intermediate level waste – ILW) et faible activité (low level waste – LLW)(2).   

Face à l’accroissement des volumes de déchets radioactifs, le gouvernement britannique a renforcé ses moyens à la suite de la loi Energy Act de 2004 en créant la Nuclear Decommissioning Authority (NDA), un organisme public chargé de superviser et de gérer le démantèlement et l’assainissement des installations nucléaires du pays. Une nouvelle division, baptisée Nuclear Waste Services (NWS), homologue de l’Andra, est dédiée depuis 2022 à la gestion de l’ensemble des déchets radioactifs.

(2) Les déchets radioactifs de très faible activité (very low level waste – VLLW) sont une sous-catégorie des déchets radioactifs de faible activité. Ils peuvent être stockés sous certaines conditions dans les installations de stockage de déchets conventionnels.

Vers un stockage géologique pour les déchets les plus radioactifs

Les déchets de moyenne activité et de haute activité sont actuellement entreposés à Sellafield et dans d’autres sites, dans l’attente d’une solution de stockage définitive.

Les prémices de cette réflexion remontent à 2001, lorsque le gouvernement a lancé le programme Managing Radioactive Waste Safely. À l’issue d’une consultation publique, un comité indépendant, le Committee on Radioactive Waste Management (CoRWM), a été mis en place. Son rôle ? Recommander des options pour la gestion sur le long terme des déchets les plus radioactifs. Après trois ans de délibération, il a préconisé le stockage géologique (Geological Disposal Facility, ou GDF).

Visite des membres du CoRWM au Centre de Meuse/Haute-Marne le 20 juin 2023.

Après l’échec d’un premier processus de sélection de sites mené entre 2008 et 2013, le gouvernement a lancé en 2018 une nouvelle politique de recherche basée à la fois sur la pertinence de l’emplacement et sur le consentement des communautés locales. 

Quatre d’entre elles se sont engagées dans ce processus de sélection en formant des partenariats locaux (community partnerships), en lien avec NWS : Allerdale, Mid Copeland et South Copeland, dans le comté de Cumbria, au nord-ouest de l’Angleterre ; Theddlethorpe, dans le comté de Lincolnshire, à l’est de l’Angleterre. Ces community partnerships permettent d’entamer des discussions locales et une enquête sur l’implantation d’un stockage géologique sur les lieux. À travers les études menées sur le site de Theddlethorpe, le Royaume-Uni s’intéresse en particulier aux propriétés favorables de l’argile pour le confinement des déchets les plus radioactifs, à l’image de la France avec le projet Cigéo (voir encadré).

D’ici à 2025-2026, NWS devrait choisir deux communautés avec qui poursuivre ses recherches de site. Le processus de sélection pourrait durer au total de quinze à vingt ans. Il serait suivi d’une dizaine d’années de travaux de construction des infrastructures du stockage pour permettre une mise en service au plus tôt dans les années 2050.

Des stockages en surface déjà en exploitation

Depuis 1959, le Royaume-Uni dispose d’une installation de stockage en surface pour ses déchets radioactifs de faible activité, située à proximité du village de Drigg, dans le comté de Cumbria, à quelques kilomètres du site nucléaire de Sellafield. D’abord disposés en tranches, les colis de déchets sont aujourd’hui stockés sur une plateforme bétonnée. La fermeture du centre de stockage est prévue vers 2130.

Une installation de stockage est également en fonctionnement depuis 2015 sur le site écossais de Dounreay, ancien centre de recherche nucléaire. Il accueille les déchets radioactifs de faible activité produits par le démantèlement des installations du site.

Installation de stockage de déchets radioactifs (près de Drigg)
© Open Government Licence v3.0
Vue aérienne de l'installation de stockage de déchets radioactifs
© Creative Commons Attribution Share-alike license 2.0 (Thomas Nugent)

Pour approfondir

Chaque partenariat local en lien avec la recherche d’un site de stockage géologique au Royaume-Uni dispose d’un site Web dédié pour s’informer et échanger (en anglais) :

La coopération s’intensifie entre l’Andra et les Britanniques

Partager et échanger des connaissances aussi bien stratégiques que scientifiques, techniques et opérationnelles dans un cadre clair et sécurisant : c’est l’objectif de l’accord de coopération signé en 2019 entre l’Andra et la Nuclear Decommissioning Authority (NDA) pour une durée de cinq ans. Les deux organismes publics ont donné un nouvel élan à ce partenariat fin 2022.

En octobre dernier, une délégation de la NDA et de sa division Nuclear Waste Services (NWS) s’est ainsi rendue au Centre de Meuse/Haute-Marne (CMHM) pour un comité de pilotage qui a permis d’établir une feuille de route de coopération pour les années à venir. Au programme, des thématiques variées comme la R&D, les processus de conception d’un stockage géologique, mais aussi la surveillance de l’environnement autour des centres de stockage, la sûreté ou encore la communication. Depuis cette réunion, plus d’une quinzaine de rencontres entre experts de l’Andra et de la NDA ont eu lieu, ainsi que des visites croisées des installations respectives des deux organisations. En avril 2023, une équipe de l’Andra s’est notamment déplacée au Royaume-Uni afin de présenter son retour d’expérience en matière de communication et de dialogue sur la gestion des déchets radioactifs.

Au-delà de ce partenariat, une délégation de l’Office for Nuclear Regulation (ONR), l’autorité de sûreté nucléaire britannique, a visité les installations du CMHM en 2022 pour y découvrir le Laboratoire souterrain et en apprendre plus sur le projet Cigéo. Le symbole d’une relation franco-britannique sur la gestion des déchets radioactifs qui s’installe dans la durée.

Comité de pilotage entre l'Andra et ses homologues britanniques au Centre de Meuse/Haute-Marne, le 11 octobre 2022.