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Les enseignements du débat public sur la gestion des déchets radioactifs

Du 17 avril au 25 septembre 2019, un débat public national a permis aux experts, associations et citoyens d’échanger et d’apporter leurs contributions à l’élaboration de la 5e édition du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR). Une première. Retours sur cet exercice démocratique et ses enseignements.

Permettre aux citoyens de comprendre les enjeux du Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR), d’être écoutés et de répondre à leurs interrogations, et de participer aux décisions associées : voilà l’objet du débat public organisé l’année dernière. Préparé et animé par une commission particulière nommée par la Commission nationale du débat public (CNDP), autorité indépendante, cet échange national a ainsi donné la parole à des milliers de personnes sur le territoire.

DP PNGMDR

Le PNGMDR en quelques mots

Publié pour la première fois en mai 2007, le Plan national de gestion des matières et déchets radioactifs (PNGMDR) est un document de programmation pluriannuel géré conjointement par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et le ministère de la Transition écologique et solidaire via sa direction générale de l’Énergie et du Climat (DGEC).

Constitué d’environ 200 pages, il a vocation à être un outil de pilotage pour gérer les matières et déchets radioactifs de façon durable. Il dresse ainsi le bilan des modes de gestion existants, recense les besoins, puis formule des propositions ou fixe des objectifs.

Aujourd’hui, la 5e édition du plan est donc en cours de rédaction et s’appuiera pour la première fois sur les discussions menées en amont lors du débat public.

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Le public était présent et averti

« 3 400 participants, soit entre 100 et 200 personnes par réunion, ont pu s’exprimer et écouter les différents points de vue et expertises partagés, souligne Isabelle Harel-Dutirou, présidente de la commission particulière du débat public (CPDP). Sur un sujet sensible mais assez technique, c’est notable, et avoir pu tenir ce débat est déjà une satisfaction, car certaines réunions publiques lors de débats précédents avaient montré des difficultés à tenir un débat serein, contradictoire et argumenté. » 

« Au-delà des réunions, le débat s’est enrichi d’un corpus documentaire très fourni – dont 62 cahiers d’acteurs. Des questions/réponses en ligne ont par ailleurs permis à un public encore plus large de participer », ajoute Aurélien Louis, sous-directeur de l’Industrie nucléaire à la direction générale de l’Énergie et du Climat. 28 820 visites ont en effet été enregistrées sur le site du débat public, 12 101 fichiers ont été téléchargés et 3 043 messages ont été publiés sur la plateforme participative. « De manière générale, il faut retenir que la France, en organisant ce débat public, démontre ses exigences de transparence et poursuit sa progression dans la gestion des matières et déchets radioactifs », poursuit Christophe Kassiotis, directeur des déchets, des installations de recherche et du cycle à l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

La préparation qui a précédé l’organisation des échanges un peu partout en France a sans doute contribué à son bon déroulement. La commission particulière a ainsi mené un exercice de clarification des controverses très bénéfique. « L’idée étant d’offrir aux participants un état des lieux des différents points de vue d’expertise existants pour que chacun puisse débattre sur des bases connues », explique Isabelle Harel-Dutirou.

 

Les grandes dates à retenir

  • 4 avril 2018 : Décision de la CNDP d’organiser un débat public et d’en confier l’organisation à une commission particulière (CPDP)
  • 17 avril – 25 septembre 2019 : débat public organisé dans 24 villes de France et en ligne
  • 25 novembre 2019 : Publication du compte rendu et du bilan du débat
  • 25 février 2020 : publication de la réponse des maîtres d’ouvrage
  • 1er avril : publication de la CNDP relative à la réponse des maîtres d’ouvrage
  • Courant 2021 : publication de la 5e édition du PNGMDR après avis de l’autorité environnementale

Toutes les sensibilités ont pu s’exprimer

Pendant cinq mois, un très grand nombre de sujets ont été discutés. Souvent techniques, mais aussi éthiques et sociétaux, et parfois polémiques. Et parmi eux, certains ont davantage retenu l’attention du public et mis en avant des besoins spécifiques pour l’élaboration du prochain PNGMDR.

La question des impacts sanitaires et environnementaux de l’entreposage, du stockage et du transport des matières et déchets radioactifs a été récurrente. Les voies de gestion privilégiées des déchets radioactifs selon leur activité et leur période radioactive ont pu être exposées, tout comme la différence entre une matière et un déchet radioactif. Pour l’Andra, impliquée tout au long du débat, cela a été l’occasion d’écouter les préoccupations du public et de s’exprimer sur ces sujets. « Outre la publication de quatre cahiers d’acteur, nous avons eu à la fois une posture d’expert dans notre domaine  la gestion des déchets radioactifs , mais également une posture d’écoute et de dialogue pour entretenir le lien avec l’ensemble des parties prenantes du débat », précise Pierre-Marie Abadie, son directeur.

Une fois la période du débat achevée, il fallait néanmoins apporter des réponses aux questions soulevées. La décision publiée par les deux maîtres d’ouvrage en charge du PNGMDR, le ministère de la Transition écologique et solidaire et l'ASN, va dans ce sens.

Retrouvez toutes les orientations décidées par les maîtres d’ouvrage du Plan

« Le débat nous a permis d’avancer sur un certain nombre de sujets et au Gouvernement de se positionner après avoir pu écouter le public, note ainsi Aurélien Louis. Notamment sur la question de la valorisation de certains déchets TFA. L’idée serait par exemple de décontaminer le métal issu de générateurs de vapeur extraits des centrales nucléaires pour le réutiliser. »

De la même manière, il ne faut pas opposer stockage et entreposage qui sont complémentaires sur une longue période. « Notre décision prévoit donc d’associer davantage le public dans les futures étapes du projet et d’établir un nouvel agenda concernant les alternatives à étudier en parallèle. Il faut savoir quelles sont les pistes les plus prometteuses, où mettre les budgets... », poursuit Aurélien Louis.

« Un autre sujet identifié depuis plusieurs années déjà mais pour lequel le débat a obligé les acteurs à se positionner, c’est l’entreposage des combustibles usés, souligne par ailleurs Christophe Kassiotis. Dans la décision que nous avons rendue suite au débat, nous estimons qu’il y a un enjeu de sûreté à la mise en œuvre de nouvelles capacités d’entreposage centralisées sous eau en tenant compte des délais nécessaires à leur construction, avant la saturation des piscines actuelles. »

 

Rappel des contributions de l’Andra

Participation à l’exercice de clarification des controverses techniques en amont du débat public

Publication de 4 cahiers d’acteur :

Publication d’une contribution relative à l’expérience acquise lors de l’exploitation et la surveillance du Centre de stockage de la Manche

 

La société civile associée durablement

Enfin, et c’est un apport central du débat public, les maîtres d’ouvrage prévoient dans leur décision de faire évoluer la gouvernance de la gestion des déchets radioactifs : « L’instance d’élaboration et de suivi du PNGMDR sera élargie aux élus de la Nation, à la société́ civile et aux représentants des collectivités locales, en complément de la participation des associations de protection de l’environnement », y écrivent-ils.

Ainsi « la décision des maîtres d’ouvrage du PNGMDR suite au débat constitue une feuille de route collective, pour tous les acteurs. Et d’une manière plus particulière, les dispositions renforcent les actions et les réflexions de l’Andra notamment sur la réversibilité de Cigéo, le coût du projet, ou encore la gestion des TFA », estime Pierre-Marie Abadie. Et d’ajouter, « ces derniers mois ont montré que la gestion de l’héritage des déchets radioactifs ne peut se réaliser que dans l’association étroite de la société aux décisions. »

Aujourd’hui en cours d’élaboration, la nouvelle édition du PNGMDR est prévue pour 2021.

 

À lire : Regards croisés sur le débat public PNGMDR