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Une vision globale et prospective afin d’agir aujourd’hui pour les générations futures - Entretien avec Jean-Paul Bouttes

Pour l’ingénieur et économiste Jean-Paul Bouttes(1), les débats menés en France sur la gestion des déchets radioactifs questionnent la façon dont nous sommes préparés à faire face à d’autres défis complexes, comme l’évolution du climat ou la biodiversité. 

Jean-Paul Bouttes

Réfléchir au devenir des déchets les plus radioactifs nous projette dans un futur à très long terme. Mais peut-on décider aujourd’hui pour les générations qui nous succéderont ?

Pour décider en tenant compte des impacts pour les générations futures, nous avons besoin d’une vision prospective des futurs possibles qui permette d’évaluer les conséquences économiques, sanitaires et environnementales de nos choix actuels. Or, les analyses de ce type allant au-delà des cent cinquante prochaines années sont rares. Par ailleurs, plus les scénarios défavorables auront des probabilités fortes, plus il faudra investir pour protéger les générations futures qui seront dans des situations plus difficiles, avec moins de moyens pour réagir. Il nous faut donc une grille d’analyse des risques pour prioriser les actions les plus efficaces.

Quelle place pour les déchets radioactifs dans cette grille d’analyse ?

Ils ne sont qu’un des risques liés à nos activités. Il y en a d’autres préoccupants, comme l’évolution du climat, une perte massive de la biodiversité, un conflit géopolitique qui déboucherait sur une guerre nucléaire totale… Ce sont là des risques majeurs, globaux et irréversibles. Par contraste, il y a des risques certes importants, mais locaux et potentiellement réversibles si les capacités techniques, scientifiques et économiques sont disponibles. Les déchets radioactifs en font partie, ainsi que certains déchets chimiques toxiques comme les métaux lourds.

« Les déchets radioactifs ont été un domaine pionnier de l’examen des risques affectant potentiellement les générations futures. »

Quels acteurs doivent contribuer à la prise de décision ?

Les citoyens et les politiques, bien sûr, mais aussi toutes les parties prenantes des générations présentes : par exemple, celles qui vont accueillir le projet de stockage de déchets Cigéo, celles qui ont un avis sur la question… Le défi est double. D’une part, faire collaborer des expertises transverses – scientifique, technique, industrielle, sanitaire, prospective, éthique – pour évaluer les impacts des risques et trouver des solutions. D’autre part, structurer les débats portant sur les choix de société. C’est ce qui s’est passé pour les déchets radioactifs. La loi Bataille de 1991(2) a mis en place des institutions qui ont fait travailler des expertises transverses et lancé des débats publics pour impliquer les citoyens. Mais il faut qu’on essaie encore de progresser pour les autres défis globaux que j’évoquais précédemment, notamment le climat et la biodiversité. 

 

(1) Ancien directeur de la stratégie et de la prospective et chef économiste d’EDF, ancien professeur chargé de cours en sciences économiques à l’École polytechnique.
(2) Loi fixant les grandes orientations de recherche à mener sur la gestion des déchets les plus radioactifs.

 

Pour approfondir

Les déchets nucléaires, une approche globale. Jean-Paul Bouttes – Fondapol

Énergie. Jean-Paul Bouttes (en collaboration avec Dominique Bourg) – PUF

L’énergie, histoire et enjeux [Livre audio]. Jean-Paul Bouttes et Dominique Bourg – Frémeaux & associés

Découvrez notre infographie animée pour prolonger la réflexion