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L'entreposage des déchets radioactifs : une étape intermédiaire avant le stockage

De la production au stockage actuel ou futur, en passant par le conditionnement et le transport, la gestion des déchets radioactifs passe par des étapes d’entreposage. Zone d’attente, de refroidissement ou encore maillon d’optimisation de la chaîne de gestion des déchets, l’entreposage est une disposition nécessaire et complémentaire au stockage. Un point commun entre ces étapes : elles sont nécessairement limitées dans le temps.

Entrepôt de déchets de haute activité à La Hague.
Jean-Michel Hoorelbeke, directeur adjoint des programmes

“ Un entrepôt, c’est une installation spécialement aménagée où l’on place les déchets radioactifs pendant un temps limité, avant de les ressortir pour en faire autre chose”, schématise Jean-Michel Hoorelbeke, directeur adjoint des programmes à l’Andra. L’entreposage n’est donc qu’une étape vers la solution de référence retenue par la France pour la gestion de ses déchets radioactifs, qui est le stockage.

 

Une solution d’attente pour les déchets qui n’ont pas encore de solution de stockage

L’entreposage est d’abord une nécessité pour les déchets radioactifs qui n’ont pas encore de stockage opérationnel”, explique Jean-Michel Hoorelbeke. C’est le cas des déchets de faible activité à vie longue (FA-VL), pour lesquels l’Andra travaille sur un projet de stockage à faible profondeur. C’est aussi le cas des déchets de moyenne activité à vie longue (MA-VL) ou de haute activité (HA). À Marcoule, à La Hague ou encore à Cadarache, les déchets MA-VL et HA proviennent majoritairement de l’industrie électronucléaire, à savoir l’exploitation des centrales nucléaires, le retraitement des combustibles usés, ou encore les activités de recherche. Ces déchets pourraient être à terme stockés à 500 m de profondeur dans le Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) développé par l’Andra, qui, s’il est autorisé, pourrait être opérationnel à l’horizon 2025. En attendant, ces déchets sont conditionnés sous forme de colis dits “primaires” et entreposés dans des chambres ou des puits à sec sur leur site de production.

L’entreposage permet en outre de laisser le temps aux déchets HA de refroidir par décroissance radioactive, une étape nécessaire avant de les stocker en toute sécurité. “Lorsqu’ils sont produits, ces déchets sont très chauds (2 000 watts en moyenne), précise Jean-Michel Hoorelbeke. Pour les stocker, il faut que leur puissance passe en dessous de 500 watts. En pratique, cela prend une soixantaine d’années environ.”

 

Un maillon d’optimisation de la chaîne de stockage aujourd’hui… et demain

Pour les déchets de moindre activité à vie courte ou de très faible activité (issus de l’industrie, de la recherche, de la médecine ou encore de l’assainissement de sites pollués), l’entreposage est également une pièce maîtresse dans la gestion des flux jusqu’aux Centres de stockage de l’Aube.

Maillon indispensable d’un processus qui passe par le tri des déchets, leur traitement, leur transport et leur manutention jusque dans les alvéoles de stockage, l’entreposage permet la mise en attente des déchets sur une durée modulable en fonction des contraintes industrielles (de quelques jours à quelques semaines dans le cas des Centres de stockage de l’Aube). “Concernant Cigéo, il y aura aussi des installations d’entreposage. Elles auront un rôle à jouer dans l’optimisation de la charge industrielle et de toute la chaîne de transport, de contrôle, de préparation et de stockage des colis. En pratique, cela veut dire qu’avant d’être descendus dans le stockage, les colis de déchets resteront en surface de quelques jours à quelques années au maximum”, ajoute Jean-Michel Hoorelbeke.

 

Une durée de vie limitée dans le temps

Dans tous les cas de figure, ces installations sont conçues pour une durée de vie limitée : 50 à 60 ans actuellement, une centaine d’années dans le futur. Elles ne peuvent donc être une alternative au stockage, qui est conçu pour être sûr sans nécessiter l’intervention de l’homme, et qui est la seule solution pour “limiter les charges qui seront supportées par les générations futures”, comme le stipule la loi de 2006. C’est d’ailleurs au nom de ce principe que l’option du stockage géologique profond a été retenue en 2006 par le Parlement et par l’Union européenne en 2011.

Néanmoins, pour s’assurer que les prochaines générations auront la possibilité d’agir durant l’exploitation du stockage, par exemple pour récupérer les colis ou modifier le concept de stockage, le Parlement a souhaité que Cigéo puisse être réversible pendant au moins cent ans. “Le stockage réversible offre finalement les mêmes possibilités que l’entreposage, mais en donnant en plus la possibilité aux prochaines générations de fermer définitivement l’installation en y laissant les déchets sans limite de temps et sans risque pour l’environnement et la santé des populations, puisqu’il est d’abord conçu à cet effet”, conclut Jean-Michel Hoorelbeke.

 

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Et dans les autres pays ?

De l’Argentine à la Suisse, en passant par la Belgique, l’Espagne, le Japon et les pays d’Europe de l’Est, les installations d’entreposage à l’étranger sont similaires aux techniques mises en œuvre en France. Dans l’attente de solutions à long terme, tous ces pays entreposent leurs combustibles usés (en piscine ou à sec) ou leurs déchets de haute activité et de moyenne activité à vie longue (entreposage à sec).

Certains, comme l’Allemagne, entreposent les déchets de haute activité dans les emballages blindés utilisés pour leur transport. En Suède, dans l’attente de la mise en service du stockage profond, l’entreposage des combustibles usés se fait dans des piscines construites dans du granite. Aux États-Unis, les combustibles usés sont entreposés à sec dans des silos en béton dans l’attente d’un stockage profond.

 

 

2 questions à... Gérard Bruno (AIEA)

Gérard Bruno, chef d’unité à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA)

Le Journal de l’Andra (JdA) : Comment les pays concernés envisagent-ils de gérer les déchets les plus radioactifs ?

Gérard Bruno : Pour les déchets les moins radioactifs, de nombreux pays disposent déjà de centres ou de projets d’installation de stockage. Pour les déchets les plus radioactifs, la plupart des pays tendent à privilégier l’entreposage, qu’ils ont l’air de considérer comme une solution à moyen terme. À l’AIEA, nous insistons sur le fait que ce n’est qu’une étape intermédiaire dans une gestion intégrée qui commence à la production et doit se terminer par un stockage. En cela, les principes édictés par l’AIEA sont proches des impératifs de la loi de programme française : les générations actuelles ne doivent pas faire supporter aux générations futures plus que ce qu’elles supportent aujourd’hui, ni leur laisser en legs une telle charge. Le stockage en profondeur est donc la seule option pour le long terme.

JdA : Quel est le risque à privilégier des solutions d’entreposage ?

G.B. : Techniquement, elles peuvent être aussi performantes que le stockage, à la différence près qu’elles nécessitent une sécurité active (c’est-à-dire basée sur une vigilance humaine). C’est d’ailleurs parce que leur durée de vie est limitée – autour de 50 ans aujourd’hui, disons jusqu’à 100 ans bientôt – qu’il est indispensable de prévoir une solution de stockage pour du long terme. Certains défendent qu’ils ne disposent pas de projet de stockage, d’autres qu’ils produisent trop peu déchets pour investir dans une telle infrastructure… Peu importe le temps qu’il faudra : à terme, l’entreposage ne peut pas être une finalité.