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« Les chevaliers blancs » des sites pollués par la radioactivité

Pas de montures, ni d’armures pour ces deux chevaliers… mais des masques et parfois des combinaisons blanches à enfiler pour aller sur les chantiers. Mener à bien les opérations d’assainissement de sites pollués par la radioactivité, c’est le rôle d’Odile Couétard et Nicolas Benoit. Nous les avons rencontrés.

Odile Couétard

« J’ai travaillé sur un chantier où nous avons fini par déterrer, sous l’escalier de la maison, une boîte contenant du radium, raconte Odile Couétard. C’était les années 1940, l’ancien propriétaire craignait probablement que les Allemands lui volent son trésor… Rendez-vous compte, à l’époque, le gramme de radium valait bien plus que le gramme d’or ! » Les anecdotes comme celle-ci, Odile Couétard les collectionne. À l’Andra, elle est en charge notamment, comme son collègue Nicolas Benoit, d’une mission de service public : l’assainissement des sites pollués par la radioactivité. D’anciens sites industriels abandonnés dont les responsables ont disparu, mais aussi des maisons ou des appartements habités qui ont un jour abrité une activité utilisant du radium, ou cachant des objets radioactifs transmis de génération en génération et qu’on a oubliés… Si la « folle époque du radium » est bien révolue, elle a laissé des traces… radioactives (lire encadré ci-dessous).

 

Chasseurs de radioactivité

Nicolas Benoit

« Nous entrons en scène lorsque l’ASN et l’IRSN identifient un site et confirment la présence de radioactivité », explique Nicolas Benoit. Le rôle de l’Andra : évaluer l’étendue de la pollution, déterminer le meilleur scénario d’assainissement, son coût, puis assurer tout le suivi du chantier, jusqu’à la prise en charge des déchets et la remise en état des lieux. « C’est un métier passionnant car aucun site ne se ressemble et les problématiques sont toujours différentes. »

Expert ès environnement, Nicolas Benoit est arrivé à l’Andra il y a treize ans pour coordonner les opérations d’assainissement des friches industrielles polluées. Des opérations dont la préparation et la mise en œuvre complexes font intervenir une multitude d’acteurs. Radioprotectionnistes, collectivités territoriales, autorités administratives et de sûreté, associations de défense de l’environnement, juristes, comptables, etc. « Nous mobilisons une grande diversité de compétences internes et externes à l’Andra, mais le bon déroulement du chantier repose entièrement sur nous. »

 

La pédagogie avant tout

Chantier d’assainissement du site d’Isotopchim à Ganagobie

Technicien et chef d’orchestre, le chef de projet assainissement est aussi un professionnel de terrain. Odile Couétard se rend régulièrement sur ses chantiers, en région parisienne. Après avoir été gestionnaire déchets sur un site du CEA, elle a rejoint l’Andra il y a huit ans. Elle intervient sur les sites pollués orphelins, des bâtiments occupés dont le propriétaire actuel n’est pas responsable de la pollution. « Je n’aurais jamais imaginé un jour piloter des opérations en site occupé. Vous passez la porte d’un appartement et vous êtes sur le chantier ! » De fait, Odile Couétard est le contact privilégié des particuliers. Le plus souvent, ils découvrent avec stupeur la pollution de leur lieu de vie.

Dans la grande majorité des cas, la présence de radioactivité n’expose pas les habitant à un risque sanitaire. Elle peut néanmoins nécessiter de détruire tout ou partie d’un bâtiment et de reloger ses habitants. « Mettre en confiance, expliquer est une première étape indispensable », souligne Odile Couétard. D’autant qu’un chantier peut durer des mois, voire des années. Entre la préparation, le chantier en tant que tel, le contrôle des autorités de sûreté, puis la remise en état des lieux… « On finit par connaître les gens. Certains m’appellent encore, des années après le chantier. »

 

Remonter le temps

Caractérisation dans une maison à Gif-sur-Yvette avant décontamination

Les deux chefs de projet assainissement de l’Andra interviennent aussi lorsque des particuliers découvrent chez eux un objet radioactif dont ils ignoraient l’existence… et le danger potentiel. Si l’opération reste délicate, elle est cependant plus « reposante ». « Nous arrivons en quelque sorte pour secourir les particuliers, en “chevaliers blancs” de la radioactivité ! », s’amuse Nicolas Benoit. Parfois, une opération de dépollution se transforme aussi en enquête historique. « Pour comprendre l’origine d’une pollution, nous marchons sur les traces de Marie Curie. En remontant le temps, on découvre souvent des histoires fascinantes. »

Au quotidien, Odile Couétard et Nicolas Benoit forment un duo complémentaire. Bien sûr, leur expertise scientifique est la base incontournable de leur métier. Il faut avoir un regard critique sur un rapport de mesures radiologiques, maîtriser les techniques de chantier, savoir aussi « démêler les problèmes et trouver rapidement des solutions ». Mais tous deux soulignent d’abord l’importance des compétences et relations humaines dans l’exercice de leur profession. « Nous faisons avant tout un métier d’intérêt général », rappelle Odile Couétard. « D’ailleurs, la plus belle chose qu’on puisse nous dire à la fin d’un chantier… c’est merci », conclut Nicolas Benoit.

 

 

L’histoire des « années folles du radium »

Après sa découverte à la fin du XIXe siècle, le phénomène de la radioactivité suscite un vif engouement pendant la période de l’entre-deux-guerres. La radioactivité, et en particulier le radium, est alors perçue comme bienfaisante. Concrètement, cet engouement s’est traduit par le développement d’une industrie du radium, à la fois pour son extraction et pour son utilisation dans différents secteurs : médical, avec la fabrication par exemple d’aiguilles utilisées en radiothérapie ou de fontaine à eau contenant du radium ; cosmétique, avec le développement de pommades ; mais aussi horloger, pour fabriquer de la peinture luminescente utilisée sur des aiguilles de montre ou de réveil.

Cet engouement prend fin lorsque les dangers de la radioactivité sont reconnus, et l’utilisation du radium interdite. La mémoire d’une partie des sites industriels qui s’étaient développés pendant les « années folles » du radium a été perdue. Certains sites, parfois situés dans des zones urbaines, ont été réaménagés malgré leur pollution radioactive ou sont restés à l’état de friches industrielles.

Odile Couétard, chef de projet assainissement... En vidéo