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Retour sur le potentiel géothermique du site d’implantation de Cigéo

En mai dernier, la Cour de cassation déboutait les associations qui accusaient l’Andra d’avoir volontairement sous-estimé le potentiel géothermique du site d’implantation du futur projet Cigéo. Quel est l’enjeu derrière le sujet de la géothermie ? En quoi ont consisté les études menées par l’Andra et d’autres experts sur ce sujet ? Quelles sont les raisons de l’assignation en justice de l’Agence. Chronologie des faits.

Plateforme de forage en forêt de Montiers
© Studio Durey

La conception d’un stockage géologique profond de déchets radioactifs, comme Cigéo, implique que « le site devra être choisi de façon à éviter des zones pouvant présenter un intérêt exceptionnel en termes de ressources souterraines ». Cette exigence de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vise à limiter le risque d’intrusion des générations futures dans le stockage, des ressources comme la géothermie pouvant attirer leur convoitise. L’ASN précise d’ailleurs que la ressource géothermique ne devra également pas présenter d’intérêt particulier.

Si l’on trouve de la géothermie partout sur la planète (voir encadré), encore faut-il donc s’assurer que cette ressource ne soit pas exceptionnelle dans le secteur d’implantation du projet Cigéo. Jusqu’en 2007, les analyses sur lesquelles l’Andra s’est appuyée pour conclure à l’absence de ressource géothermique exceptionnelle ou particulière étaient basées sur des données acquises grâce à des forages pétroliers ainsi que ses propres forages.

 

Opération de forage à 2000m de profondeur (2007-2008)

La communauté scientifique mobilisée

Pour confirmer ces résultats, l’Agence a mené, de 2007 à 2008, une opération de forage profond jusqu’à environ 2 000 mètres de profondeur, dans le cadre d’un programme qui a rassemblé la communauté scientifique. « Ce programme, baptisé TAPSS 2000, a été monté entre l’Andra et un consortium de 21 laboratoires (Universités françaises, CNRS(1), IFPEN(2), BRGM(3), IRD(4) et IRSN(5)), détaille Frédéric Plas, directeur de la recherche et développement à l’Andra. Le forage profond a été réalisé par l’Andra et mis à la disposition de la communauté scientifique car au-delà de la question de la géothermie, il constituait une remarquable opportunité d’étudier, sur un plan purement scientifique, le sous-sol de ce secteur. » Toutes les informations sur l’opération de forage ont d’ailleurs été communiquées : la définition du programme, son avancement et ses résultats.

L’ensemble des données obtenues a permis à l’Agence de conclure à nouveau que le potentiel géothermique du site ne présentait ni caractère exceptionnel, ni intérêt particulier par rapport à d’autres zones ou formations géologiques. « La zone d’implantation de Cigéo n’est donc pas plus susceptible qu’une autre de faire l’objet d’une exploration géothermique future », explique Fréderic Plas.

 

Intervention de l'IRSN à l'assemblée générale du Clis sur le potentiel géothermique du site d’implantation du futur projet Cigéo (2014)

Des contre-expertises concordantes

Fin 2012, l’Andra a été mise en demeure par six associations pour « dissimulation du potentiel géothermique de Bure ». Elles accusent l’Agence de faute volontaire et involontaire : mensonge, erreur d’appréciation et confusion lors de l’analyse de l’intérêt géothermique. « Il y a eu une maladresse sur la présentation de l’interprétation des débits d’eau du forage, dans notre rapport final, reconnait Frédéric Plas. Elle a été identifiée par la Commission nationale d’évaluation (CNE) dans son rapport de 2010 et nous l’avons admis. Cette maladresse ne change toutefois rien à la validité des données obtenues et des conclusions. De la même manière, la pertinence des techniques employées dans la réalisation du forage n’est pas remise en cause. Tout cela a été démontré par les contre-expertises réalisées dans les années suivantes. » En effet, en 2013, le Clis a fait appel à une entreprise spécialisée suisse, Geowatt, qui a fourni les mêmes conclusions, c’est-à-dire que le potentiel identifié n’avait rien de particulier ou d’exceptionnel. L’IRSN, expert technique de l’ASN, a lui aussi émis un avis corroborant ces résultats.

 

La probité de l’Andra reconnu juridiquement

Malgré les contre-expertises concordantes, les six associations ont assigné l’Andra en justice, en mai 2013. Elles accusaient l’Agence d’avoir délibérément biaisé ses résultats afin de dissimuler le potentiel géothermique du site. S’en est suivi cinq ans de procédure judiciaire. Dans son jugement de mars 2015, le tribunal de grande instance de Nanterre a rejeté la demande des associations, estimant que l’Andra n’avait commis aucune faute, ni rétention d’information. En mars 2017, la cour d’appel de Versailles les a déboutés à son tour, au motif que l’examen de leur argumentation ne permettait pas de caractériser contre l’Andra la moindre faute. Une décision confirmée en cassation en mai 2018, clôturant ainsi cette affaire.

 

(1)Centre national de la recherche scientifique
(2)Institut français du pétrole Énergies nouvelles
(3) Bureau de recherches géologiques et minières
(4)Institut de recherche pour le développement
(5)Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire

 

 

Qu’est-ce que la géothermie ?

C’est la capacité à extraire la chaleur présente dans le sous-sol par l’intermédiaire d’un fluide en vue de différents usages, comme le chauffage urbain par exemple. Plus on descend en profondeur, plus il fait chaud, et ce quel que soit l’endroit sur notre planète. Il y a donc de la géothermie partout.

Le potentiel géothermique d’un site s’évalue à partir de plusieurs paramètres : le gradient géothermique, qui correspond à la variation de température avec la profondeur (exprimé en degré par 100 m) depuis la surface, les écoulements d’eau dans le sous-sol, ainsi que les usages. Plus le gradient géothermique ou les écoulements sont importants, plus on peut récupérer de la chaleur. Dans le cas de Cigéo, ni le gradient géothermique, ni les écoulements d’eau profonds ne présentent de caractère exceptionnel.